Résumé de la 4e partie n Anselme a sauvé Dorothée de la noyade... Bientôt, quand vous serez tous affamés, quand personne ne voudra plus te nourrir, je viendrai toute seule, la nuit, auprès de toi, pour que tout le monde l'ignore, et je te cuirai dans ton âtre de belles tartes bien blanches et bien tendres. – J'ai de la fine fleur de farine cachée dans ma chambre. Et nous mangerons des gâteaux de noces, de beaux gâteaux dorés ! La jeune fille se mit à rire ; puis elle pleura amèrement : Ah ! comme à Moscou ! dit-elle. – On ! mon Alexis ! mon Alexis ! ... Nage doucement ; viens à moi sur les flots, ta fiancée fidèle t'y attend... Que nous serons heureux, balancés ensemble !... Tu me réchaufferas par tes baisers... Elle abaissa sa petite tête, et ses gémissements diminuèrent graduellement ; elle respira à plus longs traits et sembla se bercer dans ses soupirs. Je regardai le vieillard ; il comptait avec son bâton les feux qui apparaissaient sur les montagnes, et qui se multipliaient sans cesse davantage. – Neuf, dix... encore... Allons, courage... Hâtez-vous, mes amis, ils approchent... n'entendez-vous pas leurs chevaux ?... Ah ! ce sont eux. Pendant que le vieillard parlait ainsi, les montagnes s'éclairaient de plus en plus, et les fanaux qu'on y avait allumés formaient un horizon de lumière. – Au secours, saint André ! au secours ! murmura la petite dans son assoupissement ; puis elle se releva convulsivement, et me serrant fortement avec son bras gauche, elle me dit à l'oreille : Anselme, j'aime mieux te tuer ! – et je vis un couteau briller dans sa main droite. – Malheureuse ! m'écriai-je en reculant avec effroi. – Non, je ne puis, dit-elle : mais maintenant tu es perdu. – Agafia ! lui cria le vieillard, avec qui parles-tu ? veux-tu donc nous faire fusiller ? Avant que j'eusse tourné la tête, il se trouva près de moi, et levant à deux mains son bâton, il le laissa tomber si vigoureusement, qu'il m'eût infailliblement brisé le crâne, si Agafia ne se fût jetée sur lui, et ne l'eût tiré en arrière. – Le bâton vola en éclats sur le pavé, et le vieillard tomba sur ses genoux. – Allons ! allons ! cria-t-on de toutes parts en français. Je n'eus que le temps de me jeter de côté, pour n'être pas broyé sous les roues des canons et des caissons qui arrivaient au grand trot des chevaux. C'était le corps d'armée du général Lobau qui avait été forcé de se replier. Les Français avaient trouvé tous les passages des montagnes gardés par les Russes. On disait dans Dresden que les Russes avaient été informés de la marche du comte Lobau, au moyen de fanaux placés de distance en distance par les soins des espions qu'ils avaient dans la ville. Le lendemain, Dorothée ne m'apporta pas mon café. Mon hôte, pâle de terreur, vint me trouver, et m'annonça qu'il avait vu la jeune fille et le vieux mendiant sortir de la maison du maréchal Gouvion Saint-Cyr, escortés par une garde nombreuse. On les avait conduits au-delà du pont de l'Elbe. Anselme se tut et retomba dans ses rêveries profondes. Il résista à toutes nos instances, et refusa toujours de nous en apprendre davantage. On sait comment finit le siège de Dresden. Le comte Lobau partagea le sort du maréchal Saint-Cyr. Il fut envoyé en prison en Hongrie, d'où il ne revint qu'en 1814.