La décision de suspendre, pour une année, le contrat de trois ans signé en 2003 par cinq maisons d?édition privées et le ministère de l?Education nationale, a suscité des propos empreints de surprise et d?inquiétude. Les éditeurs privés ont affirmé que «maintenant, on nous traite de commerçants, alors que nous avons confectionné les manuels dans un délai record de deux mois et demi. Ce qui avait valu à notre travail d?être fortement salué par le ministère.» Ce sont là les paroles pleines d?amertume livrées à des confrères par le représentant des éditions Chihab. Ce dernier prétend avoir respecté les clauses du cahier des charges. Quant aux retards et à la carence occasionnés par le dispositif de distribution, les éditeurs privés se défendent en jetant la pierre à l?Office national des publications scolaires (Onps) seule structure habilitée ? et équipée pour ? à distribuer sur les 48 wilayas. Et de préciser : «Nous avions pour consigne de remettre à l?Onps les manuels réalisés. C?est cet office qui était chargé de la distribution?» Autre son de cloche chez Casbah Editions. Son responsable, M. Ameziane, trouve la décision du ministère «tout à fait raisonnable car nous avons travaillé dans des conditions pas très confortables. Il est normal que des coquilles aient pu se glisser. Et nous sommes prêts à apporter les corrections qu?il faut.» A l?heure de l?informatisation, peut-on accepter des «coquilles» au menu de nos élèves ? Cependant, les éditeurs privés regrettent de ne pas avoir été sollicités pour le travail d?évaluation des manuels. Ils sont unanimes à préciser un point très important : celui de l?homologation. Les contenus des manuels, une fois élaborés, sont soumis au visa de la commission d?homologation. Le feu vert est donné par cette instance et l?ouvrage passe au stade de l?impression. Question pertinente : la commission d?homologation aurait-elle autorisé des manuels «pédagogiquement non consommables» ? Du côté du ministère, le directeur de l?Institut national de recherche en éducation (Inre), où siège ladite commission, a observé une grande retenue auprès de notre confrère de Liberté : «La commission a fait son travail. Pour ce qui est des fautes? ce n?est pas nous qui décidons. Il faut voir avec ceux qui ont le pouvoir.» Doit-on comprendre par là que des réserves ont été émises par cette commission d?homologation et qu?une décision venue «d?en haut» les aurait minorées au point de donner le OK ? Le ministre, pour sa part, n?a pas fait dans la dentelle. Paroles sèches et tranchantes face à une situation qui risque de porter préjudice au devenir de la réforme. «Si on continue avec le privé, on n?arrivera pas à instaurer la réforme. Or, nous n?avons pas de temps à perdre et seul l?Onps a la capacité de réaliser ces manuels en un temps record. Quant aux éditeurs privés, ils seront sollicités pour l?impression des manuels.» Piètre statut que celui décerné par le ministre aux éditeurs algériens ! La mission première d?un éditeur est de produire des ouvrages, donc de penser, de concevoir et d?élaborer. Les meilleures maisons d?édition étrangères ne sont pas toutes dotées d?une imprimerie ; elles sous-traitent l?impression de leurs produits. Les grands éditeurs font la distinction entre le travail de conception (le leur), et le travail dit de «labeur», celui des imprimeurs.