Résumé de la 71e partie n Lamb se présente à l'appartement 77 où une enfant, depuis une fenêtre, l'observait à l'aide de jumelles... Par chance, à ce moment-là, de la cuisine, monta une forte odeur de roussi. Mon guide poussa un petit, cri, de détresse. — Oh ! excusez... excusez ! — Allez-y, dis-je, je me débrouillerai seul. Sans se faire prier, elle s'enfuit. Tandis que j'entrai dans la pièce et, refermant la porte derrière moi, m'avançai jusqu'au divan. — Bonjour, ai-je dit. — Bonjour, répondit l'enfant, m'évaluant d'un long regard perspicace, qui faillit me faire perdre mon aplomb. Avec ses petites couettes de rat, son front bombé, son menton fin, elle n'était guère jolie; mais quels yeux, pétillants d'intelligence ! — Je m'appelle Colin Lamb. Et vous ? — Geraldine Mary Alexandra Brown. — Mon Dieu, un nom à courant d'air. Et lequel doit-on choisir ? — Geraldine, quelquefois Gerry, mais je préfère pas. D'ailleurs papa n'aime pas les diminutifs. Un des avantages dans nos rapports avec les enfants, c'est qu'ils ne sont pas conventionnels. N'importe quel adulte m'aurait immédiatement demandé ce que je venais faire. Geraldine, au contraire, s'ennuyant dans sa solitude, était toute prête à bavarder avec moi, sans s'embarrasser de questions inutiles. — Votre papa n'est pas là ? dis-je. Avec toujours la même vivacité et la même passion du détail, elle me répondit : — Cartinghaven Engineering Works, Rcaverbridge. A exactement 18, 500 km d'ici. — Et votre maman ? — Maman est morte, m'apprit Geraldine de sa voix enjouée. Quand j'avais deux mois. En revenant de France, son avion s'est écrasé au sol et tout le monde est mort. Elle disait cela avec une espèce de contentement ; et je compris qu'à mourir dans une grande catastrophe, on s'auréole d'une certaine gloire. — Je vois. Donc, vous... Je tournai la tête vers la porte. — C'est Ingrid, une Norvégienne. Elle n'est là que depuis quinze jours. Elle ne sait pas encore assez bien l'anglais pour le parler. C'est moi qui lui donne des leçons. — Et elle vous apprend le norvégien ? — Non, très peu, fit Geraldine. — Vous l'aimez ? — Comme ça. Elle nous fait une si drôle de cuisine ! Vous savez elle adore le poisson cru. — J'en ai mangé en Norvège. C'est par-fois bon. Geraldine n'avait pas l'air du tout con-vaincu. — Aujourd'hui, elle nous confectionne des tartelettes à la mélasse. — Ça me paraît succulent. — Ummm... si j'aime assez ça, ajouta-t-elle gentiment. Vous déjeunez ici ? — Non pas. En fait, je passais sous vos fenêtres, et n'est-ce pas vous qui avez laissé tomber ça ? — Moi ? — Oui, lui dis-je en lui présentant le canif d'argent. (A suivre...)