Revirement n Le conflit en Libye a connu un développement politique majeur avec la décision de la Russie de lâcher Mouammar El Kadhafi. Le régime libyen a indiqué, hier, vendredi, qu'il n'était «pas concerné» par les décisions du sommet du G8 qui a appelé le dirigeant Mouammar El Kadhafi au départ, et affirmé que toute initiative visant à résoudre la crise en Libye devrait passer par l'Union africaine (UA). «Le G8 est un sommet économique. Nous ne sommes pas concernés par ses décisions», a déclaré le vice-ministre libyen aux Affaires étrangères Khaled Kaaim, après que la Russie eut rejoint les appels au départ du colonel Kadhafi, à l'issue du sommet du G8, hier, vendredi, à Deauville à l'ouest de la France. Traditionnellement opposée à toute ingérence, la Russie, proche alliée de la Libye, a levé ses réticences à réclamer ouvertement le départ du chef d'Etat en fonction, tout en se posant en médiateur. «Le monde ne le considère plus comme le leader libyen», a dit le président russe Dmitri Medvedev dont le pays refusait jusqu'alors de soutenir les appels américain et français à son départ et s'était abstenu lors du vote à l'ONU de la résolution 1973 autorisant des frappes internationales contre Tripoli. Après la signature par Moscou de la déclaration finale du G8 affirmant que Kadhafi avait «perdu toute légitimité», le Président russe a offert à ses partenaires du G8 sa «médiation» dans le conflit et annoncé l'envoi immédiat d'un émissaire à Benghazi, fief de la rébellion libyenne dans l'Est. Le régime libyen affirme avoir appris le changement de la position russe dans la presse. «Nous n'avons pas été informés officiellement. Nous sommes en train de contacter le gouvernement russe pour vérifier les informations rapportées par la presse», a déclaré Kaaim. Il a rejeté, par ailleurs, la médiation proposée par Moscou, affirmant que Tripoli n'«acceptera aucune médiation qui marginalise le plan de paix de l'Union africaine». «Nous sommes un pays africain. Et toute initiative en dehors du cadre de l'UA sera rejetée», a-t-il encore dit. La feuille de route de l'UA acceptée par Tripoli prévoit un cessez-le-feu immédiat, un meilleur accès à l'aide humanitaire et un dialogue destiné à ouvrir une transition politique, mais ne mentionne pas clairement un départ du colonel Kadhafi, raison pour laquelle ce plan a été rejeté par la rébellion. «Personne ne pourra dicter aux Libyens leur avenir politique», a clamé Kaaim. «Toute décision politique dans le pays ne concerne que les Libyens», a-t-il martelé. Il a confirmé, par ailleurs, la visite lundi prochain en Libye du Président sud-africain Jacob Zuma, sans préciser que la question d'un départ du pouvoir du colonel Kadhafi serait évoquée, comme annoncée par la présidence sud-africaine. Pretoria avait indiqué mercredi dernier que le but de cette visite serait de «discuter d'une stratégie de sortie pour Mouammar Kadhafi». «Le Président Zuma est attendu lundi en Libye et doit discuter avec le leader Mouammar Kadhafi de la feuille de route de l'UA et du lancement d'une réconciliation nationale ainsi qu'un dialogue politique entre Libyens», a déclaré Kaaim sans autre détail. Sofia Kadhafi : «L'Otan a tué mon fils» Sofia Kadhafi, la femme du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a fustigé, hier, vendredi, les frappes aériennes qui ont tué son fils, Seif al-Arab, et accusé les forces de l'Otan de commettre «des crimes de guerre». «Je n'étais pas là. Mais j'aurais aimé y être, parce que cela m'aurait permis de mourir avec lui», a-t-elle déclaré sur la chaîne d'informations américaine CNN, interrogée par téléphone. «Mon fils n'avait jamais manqué la prière du soir. Nous étions visés par des missiles tous les soirs et les frappes commençaient au moment de la prière du soir», a affirmé la femme du colonel Kadhafi, dont les apparitions dans les médias sont rarissimes.La coalition menée par l'Otan «cherche des excuses pour viser Mouammar. Mais qu'a-t-il fait pour mériter cela ?», a-t-elle accusé. Interrogée pour savoir si elle pensait avoir été personnellement visée par des frappes, elle a répondu : «Mes enfants sont des civils et ils ont été visés. Mais qu'est-ce qu'ils ont à voir dans tout ceci ?» L'Otan «commet des crimes de guerre», a-t-elle lancé. «Ils ont tué mon fils, ils tuent le peuple libyen. Ils bafouent notre réputation.» «Que puis-je attendre de la vie maintenant ? Tout ce que je souhaite, c'est que la vérité éclate. Avec la volonté de Dieu, nous serons victorieux. Nous vivrons ou mourrons aux côtés du peuple libyen, et, quand l'heure des comptes aura sonné, ce sera l'Histoire que nous jugera.» Selon Tripoli, Seif al-Arab et trois des petits-enfants du dirigeant libyen, Seif (2 ans), Carthage (2 ans) et Mastoura (4 mois), ainsi que des amis et voisins, ont été tués lors d'un raid de l'Otan sur la capitale libyenne le 30 avril dernier.