Principe n A M'sila, capitale par excellence de la chekhchoukha et du zviti, consommer ces deux mets traditionnels dans des assiettes en verre ou en porcelaine relève du sacrilège. La tradition veut que ces mets soient servis dans des ustensiles en bois et, bien entendu, que leur dégustation se fasse à la fourchette du père Adam. Même les restaurateurs s'y mettent, d'ailleurs au gré de la demande. C'est pourquoi la fabrication de la vaisselle en bois, pratiquée un peu partout à travers le pays, est un artisanat qui possède ses «lettres de noblesse» à M'sila, où les artisans disposent d'un savoir-faire ancestral que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Bien que connaissant un net recul en raison de la «concurrence déloyale» du produit industriel, l'ustensile en bois, fabriqué de manière artisanale, continue d'occuper une place de choix dans la cuisine m'silie, où tous les foyers ont leur mahrès (mortier en bois), leur gassaâ (terrine) et leurs cuillères ou encore leurs planches à découper (billot) qui continuent de résister stoïquement à l'invasion du produit industriel. Certains de ces ustensiles ont des décennies d'âge, et leurs propriétaires y tiennent comme à un objet d'art et ne manquent pas de dire qu'ils l'ont acheté chez untel de Maâdhid ou tel autre de Souamaâ ou de Ouled Derradj. La «traçabilité» de l'ustensile est ici importante, car elle renseigne sur la qualité du bois utilisé et sur le doigté de l'artisan qui mènent inévitablement à la région où a été fabriqué le produit, mais aussi éclaire, à travers l'objet acquis, sur le procédé de fabrication. La région de Maâdhid (30 km à l'est de M'sila) est réputée pour la fabrication du mortier en bois, jadis utilisé dans le concassage du café et de toutes sortes d'épices et même de la viande. Aujourd'hui, cet ustensile, faut-il le reconnaître, qui commence à être détrôné par le «robot» électrique, se confinant dans le concassage de la salade traditionnelle connue sous le nom de sviti. Ce n'est pas un hasard si la région de Maâdhid s'est spécialisée dans la fabrication du mortier en bois. Cet ustensile ne peut être fabriqué qu'avec du bois de chêne et plus précisément le chêne vert, abondamment disponible dans la forêt de cette région. Les artisans de cet ustensile défient tous les imitateurs et même les plus habiles d'entre eux de pouvoir trouver un autre matériau et une autre manière de fabriquer le mortier ou de pouvoir le reproduire avec la même qualité, de manière industrielle. La rareté du mortier en bois a fait que ses prix ont plus que doublé ces dernières années passant de 2 000 DA l'unité à plus de 4 000 actuellement. C'est à peu près la même chose pour la gassaâ en bois, en ce sens où, selon un artisan de la spécialité, «le virus de la contrefaçon» a atteint la fabrication de cet ustensile ancestral. Beaucoup de faux artisans n'hésitent pas à fabriquer cet objet en utilisant du bois de pin, ce qui l'expose aux fissures rapides, alors que la durée de vie d'une gassaâ de qualité peut aller jusqu'à un siècle et plus.