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Football/ Un mercato à coups de milliards
Le chèque et la chkara
Publié dans Info Soir le 21 - 07 - 2011

Alors que les clubs de football dans le championnat national ne cessent de crier à la crise, paradoxalement nous assistons à un mercato plutôt mouvementé. Mis à part l'USMA de Ali Haddad avec ses milliards, qui a prouvé qu'il possède les moyens de sa politique, les autres, qui se plaignaient il y a si peu, ne se privent pas de faire des folies durant cette période des transferts, quitte à faire ressortir la fameuse «chkara» que les responsables ont tenté de bannir avec l'avènement du professionnalisme.
Etrange n Si Ali Haddad, avec ses milliards, se permet les meilleures emplettes en matière de transfert, les autres clubs, qui criaient à la crise il y a si peu, ressortent les gros sachets pour racler le reste des joueurs à acquérir.
Le dernier en date est Fawzi Chaouchi, l'ex-gardien de l'Entente de Sétif que le Mouloudia d'Alger vient d'enrôler pour la coquette somme de 19 millions de dinars, soit un salaire, selon la direction du club, de 1 800 000,00 DA par mois, de quoi faire monter la tension à tous les revendicateurs de la scène socioprofessionnelle nationale, des médecins aux stewards, en passant par des milliers de travailleurs, sans parler des chômeurs, notamment les oubliés du Sud.
Evidemment, on nous dira qu'un footballeur a une carrière très courte et que c'est un métier à part, mais vu sous l'angle du spectacle proposé et du niveau des joueurs de notre championnat, il faut avouer qu'on nage en pleine démesure. Que dire de Mohamed Amine Zemmamouche, un autre gardien, qui a quitté le MCA justement pour atterrir chez le voisin usmiste dont le chèque de son patron, Ali Haddad, a fait des ravages durant cet été 2011.
Monsieur Zemmamouche toucherait 2 500 000,00 DA par mois (s'il vous plaît !), tout en vous laissant le soin de calculer le reste du revenu, sans primes et autres, et surtout les dégâts occasionnés au marché des transferts avec des salaires et des primes exorbitants. Que dire des autres clubs qui n'arrivent pas à suivre, mais dont la masse salariale, sous l'effet d'entraînement, va certainement exploser durant la prochaine saison. Et tout ça pour un championnat pas du tout rentable. Si on se réfère juste à celui de la saison dernière que peut-on retenir : des matchs à huis clos à gogo, défection du public, chute de la côte des grands derbies et autres clasicos, violence sous toutes ses formes et quasi hebdomadaire, programmation catastrophique, stades loin des normes exigées par la FIFA, couverture télévisuelle des années 70, etc. Où est la rentabilité dans tout cela ? Où est l'attractivité du championnat algérien dont personne n'en veut, sauf l'ENTV qui paye quelques broutilles aux clubs ? Lors du dernier CHAN disputé au Soudan, en février dernier, et en marge de sa désignation comme membre au sein du comité exécutif de la FIFA, le président de la Fédération algérienne de football (FAF), Mohamed Raouraoua avait animé une conférence de presse au cours de laquelle il avait abordé plusieurs sujets dont celui des finances où il avait annoncé que la FAF était la structure fédérale la plus riche d'Afrique ! Mieux encore, Raouraoua est allé plus loin en indiquant que sa fédération était capable d'organiser une compétition internationale grâce à l'argent qu'elle s'est amassée, celui des sponsors, du marketing et de la télévision.
La réalité
Pourtant, la Fédération est riche
Il faut reconnaître que depuis quelques années, la FAF est autonome financièrement. La preuve est venue tout récemment lorsqu'il y a eu polémique sur la couverture des salaires du nouveau sélectionneur national, le Franco-bosnien Vahid Halilhodzic et de son staff, le président a déclaré qu'il n'avait pas besoin des pouvoirs publics pour subvenir aux besoins de la sélection. La FAF est donc fière de sa gestion, sauf que, paradoxalement, et dans le même temps la majorité des clubs dits professionnels souffrent d'une crise financière chronique. Et si la fédération snobe l'argent de l'Etat, les dirigeants de clubs, eux, ne cessent d'en faire appel, au point de constituer, il y a quelques semaines, une association pour monter au créneau et porter haut leurs revendications. Ils ont même menacé de boycotter le championnat si l'aide promise pour l'accompagnement de la professionnalisation du football ne venait pas à se concrétiser sur le terrain de la pratique. Ces mêmes présidents et membres de l'assemblée générale de la FAF qui accusaient Raouraoua, il y a si peu, de n'avoir rien fait pour les aider, ont adopté il y a quelques jours et à l'unanimité les nouveaux statuts, le code électoral et le règlement intérieur qui entrent en vigueur immédiatement.
L'Etat
Quel rôle des pouvoirs publics ?
Devant cette confusion, on se demande quelle est la réaction et quel le rôle de l'Etat ? Les pouvoirs publics, par le biais du ministère de la Jeunesse et des Sports, étaient contraints de réagir après la montée au créneau du président de clubs en pleine saison footballistique. Ils ne pouvaient résister au pressing des présidents de clubs et de leurs demandes gourmandes pour annoncer plusieurs mesures allant dans le sens de l'apaisement, notamment en matière de financement et ces 10 milliards de centimes en prêts bancaires sans hypothèque ! Sans oublier les trois hectares pour ériger un centre de formation dont le coût est pris en charge par l'Etat à hauteur de 30 milliards de centimes par club. Que de privilèges pour les présidents de clubs, toujours les mêmes, qui n'innovent pas et qui n'ouvrent pas, pour certains, le capital social de leur Société sportive par action (SSPA) créées dans la hâte et dont certaines n'ont que le nom.
L'exception
Seule l'USMA ; les autres agonisent
Les clubs algériens ont eu d'énormes difficultés avec leurs nouvelles sociétés que les responsables du football national leur a imposé de créer sans prendre en considération les problèmes qu'elles pourraient engendrer. A titre d'exemple, celle du CS Constantine, champion en titre de la Ligue 2 et accédant à l'élite a été dissoute tout récemment. Celle de l'Entente de Sétif, annoncée pompeusement en début de saison, bât de l'aile depuis des mois, surtout depuis le départ du wali, Nouredine Bedoui, vers Constantine (il y a une relation de cause à effet certainement dans l'accession du CSC et la déroute de l'ESS). Celle du MC Alger, verrouillée par un tour de passe-passe que seuls Omar Ghrib et consorts en connaissent les techniques, ne trouve preneur, malgré la renommée du club. Les autres clubs ne sont pas en reste : au CR Belouizdad, on a perdu une place de Ligue des Champions à cause de l'attitude des joueurs et de leurs salaires impayés, au MC Saïda on a joué avec des tenues vides et un stade vierge de sponsors durant une bonne partie de la saison, et les exemples sont légion. Seule l'USM Alger, a, plus ou moins, réussi le tour de force, mais sans la réussite sportive en raison de choix incohérents puisque le club a joué sa survie jusqu'à la dernière journée du championnat.
L'argent
Le chèque et la chkara !
Au fond, rien n'indique qu'un grand projet de développement se profile à l'horizon pour notre football et que tout se mesure à l'argent dans un monde d'amateurs déguisés en pros. Evidemment, la mise en place de la nouvelle ligue nationale professionnelle et celle amateur, devraient apporter un peu plus d'organisation et de meilleur gestion des affaires courantes, mais pour les grands chantiers et les priorités fondamentales, il faudra repasser, car il n'y a de place que pour l'urgence quotidienne et les intérêts immédiats des clubs et de leurs dirigeants. Quant au professionnalisme, ce n'est qu'une enseigne qui clignote de loin, mais à l'intérieur c'est une coquille vide. Combien de clubs ont préparé ou présenté leurs bilans du premier exercice professionnel ? Ont-ils fonctionné avec le Système comptable financier (SCF) ? Ont-ils provisionné, ce devrait l'être ? Ont-ils envisagé d'autres ressources de financement que celles des pouvoirs publics ? Ont-ils payé leurs charges fiscales et parafiscales ? Tant de questions qui interpellent, mais dans les réponses ne viennent jamais. Ce qui compte, c'est le chèque que perçoit Boumechra ou la chkara de Chaouchi. L'argent coule à flots et c'est tout. Ne dit-on pas que l'été est celui de la cigale. Attendons alors l'hiver, voire l'automne, pour entendre les premiers gémissements de la crise et des revendications.
La problématique
L'Etat est-il obligé d'aider les clubs ?
Malgré les énormes problèmes rencontrés par les clubs algériens, en cet an I de l'ère du professionnel, tout le monde parvient à trouver des ressources financières pour régler leur quotidien, sauf que la manière diffère. Devant cette situation une problématique se pose, celle relative à l'intervention de l'Etat dans l'accompagnement des clubs dans le professionnalisme. De ce fait, peut-on imposer aux pouvoirs publics des aides aux clubs, alors qu'à titre d'exemple, le Mouloudia qui étouffe sous le poids d'une dette insupportable, ne se prive pas de recruter un joueur avec une mensualité de 180 millions de centimes ! Il faut reconnaître que pour cette première année de l'ère du professionnalisme, l'anarchie a pris le dessus sur toute autre chose. Exception faite à l'USMA, qui a fonctionné au mode professionnel (administrativement parlant bien sûr puisque sur le plan sportif, c'était pire que de l'amateurisme), tous les autres clubs doivent être accompagnés par l'Etat dans le domaine de l'organisation, pas du financement.


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