Résumé de la 4e partie D?abord tentés par le projet d?évasion, les compagnons de Saoudi prennent peur. Tandis qu?il s?enfonce seul dans la nuit, Sadek lui promet de le suivre. Son ventre et sa poitrine sont trempés par l?humidité du sol. Il soulève les pieds pour ne pas heurter les pierres de ses grosses godasses. Enfin, en un temps qui lui paraît très long, il arrive aux barbelés. De l?autre côté de la route, la sentinelle va et vient, régulièrement, frappant des talons sur le sol, précédée de la lueur de sa torche. De temps en temps, elle balaie la palissade d?un long faisceau et Saoudi s?aplatit encore? Il relève très doucement la tête, puis le buste. L?Allemand vient juste de passer. chassant l?angoisse qui lui tord le ventre, il agrippe de ses mains engourdies les fils de fer et les secoue doucement pour en éprouver la solidité. Le gardien passe, comme un pantin articulé. Une, deux, une deux? A la rigidité de sa silhouette, il croit reconnaître Gurt, mais il n?est pas sûr. Un frisson glacé lui parcourt le dos. «Si c?est lui, je n?ai aucune chance !», se dit-il. Saoudi compte les secondes jusqu?au moment où il passe à nouveau devant lui dans le sens inverse. Il recompte encore une fois, pour être sûr? Il doit grimper sur le grillage, franchir la terrible barrière aux pointes effilées, descendre et se jeter dans le fossé au bord de la route. Il connaît par c?ur chaque geste à faire, chaque mouvement. Il a minutieusement préparé son évasion, passant et repassant tous les détails dans sa tête. La pensée de la liberté a galvanisé son corps décharné, comme un feu brûlant de l?intérieur. Le gardien passe. Saoudi se lève et commence à grimper, sans cesser de compter? Ses doigts sont engourdis par le froid, mais il monte toujours, les muscles tendus, veillant à ne pas faire de bruit. Ce n?est plus qu?un automate, un animal qui se bat pour sa vie, dans un ultime combat? A présent, il est sur les fils de fer, et distingue clairement les barbelés devant lui. Il monte au sommet, prend son manteau, le jette sur les pointes, marche dessus, le reprend doucement, le rejette devant lui. Il doit retirer le tissu collé aux épines de fer, dans la crainte d?être surpris par le gardien, ou de perdre l?équilibre et de tomber sur les épines acérées. Quand il sent que le gardien va arriver à sa hauteur, il se met à plat ventre. Lorsque ce dernier revient pour la troisième fois, il a juste le temps de baisser la tête, le faisceau passe à quelques centimètres de lui, balaie les fils sur sa droite, et redescend sur la route. Saoud se fige et recommence à compter. Ses mains et son corps qui dépassaient du manteau sont déchirés par les pointes rouillées, criblés de blessures vives. Les dents serrées, il se lève, tire son manteau aussi doucement qu?il le peut, et avance encore? Il arrive au sommet du deuxième grillage, et dégringole dans le fossé dans un bruit qui lui paraît assourdissant. La sentinelle revient... Il est impossible qu?elle n'ait pas entendu. Il se plaque au sol, les yeux fermés et attend. Les pas approchent au même rythme? Le bruit grandit, l?envahit, lui remplit les oreilles, malgré le manteau qui lui couvre la tête? L?évadé, tous les muscles tendus, attend la rafale? Mais l?Allemand ne s?arrête pas et le bruit commence à décliner, le pas cadencé s?éloigne. Il est sauvé ! - Dieu soit loué ! se dit-il. Courbé en deux, sur la pointe des pieds, il traverse la route, avance un moment dans le champ gelé et se couche sur le ventre, de manière à surveiller le grillage devant lui? Il lui faut un long moment pour calmer ses émotions et recouvrir une respiration normale. Un joie immense le submerge : «Dieu soit loué, se répète-t-il, j?ai réussi, je suis libre? Je suis libre, et si je dois mourir maintenant, tant pis?». En face de lui, dans la clarté de la lune, la prison semble encore plus noire, plus menaçante, plus meurtrière? de longues minutes passent et Saoudi attend toujours. Peu à peu, sa joie fait place à l?angoisse. Sadek osera-t-il le suivre ? Ou a-t-il abandonné ? Il ne sait que faire, et maintenant le temps joue contre lui. Doit-il attendre encore ? Il lui semble que le jour ne va pas tarder à se lever? Soudain, un léger craquement de l?autre côté de la route, l?Allemand est à environ cinquante pas. Le bruit de bottes s?accroît régulièrement, précédé du rayon de la torche. (à suivre?)