Résumé de la 5e partie lors qu?il se croyait enfin libéré et sauvé, Saoudi entend une sentinelle allemande marcher tout près de lui. De temps en temps, des pans entiers de grillage sont illuminés quelques secondes comme en plein jour. Saoudi, le c?ur battant à se rompre, écarquille les yeux. Le gardien passe. Rien. «J?ai dû rêver», pense-t-il. Puis, à peine la sentinelle s?éloigne-t-elle qu?il entend un bruit sourd. Instinctivement, il ferme les yeux. «Mon Dieu, mon Dieu !» marmonne-t-il. Quand il les ouvre, il aperçoit une vague silhouette debout sur les barbelés, puis elle disparaît peu à peu. La joie et la reconnaissance l?envahissent, puis il se met à ramper vers l?ombre à demi-baissée qui s?avance dans le champ. C?est Sadek. Il lui prend le bras. Dieu soit loué, murmure-t-il, j?avais si peur de partir seul. Et moi, j?avais peur de ne pas te trouver? Tu sais, quand on n?a pas entendu de coups de feu, on a compris que tu avais réussi. Mais attends, Omar nous suit, il ne va pas tarder? Ils attendent un court moment, et Omar descend le grillage comme ses compagnons, guettant les va-et-vient du gardien. ? Tu en as fait du boucan, dit Saoudi, mais cette sentinelle est sourde. Nous t?avons entendu d?ici. Mais quels sacrés gaillards vous êtes ! ? Nous avons réussi ! murmure Omar, Dieu soit loué ! ? Pourvu que ces chiens ne se vengent pas sur nos camarades. ? Qui sait combien de temps ils pourront encore tenir dans ce camp maudit? Sans bruit, ils rampent jusqu?à la cabane à outils située au milieu du champ, hors du camp. La porte est toujours ouverte. A tâtons, dans l?obscurité, ils remplissent un sac de biscuits et de chocolat entreposés là pour les sentinelles. Puis, côte à côte, tels des fantômes, les trois évadés s?enfoncent dans la nuit. Saoudi ouvre la marche, s?orientant grâce à l?étoile polaire. Il sait qu?il doit aller vers l?ouest pour entrer en France, mais il n?a aucune idée du lieu où ils se trouvent, ignorant la distance qu?ils devront parcourir pour arriver à la frontière. Il avait seulement entrevu depuis le camion qui les amenait vers le camp, un écriteau portant la mention : Veller. Etait-ce une ville ou un village ? Ils marchent le plus vite qu?ils peuvent, sans parler, respirant l?air glacé, ivres de liberté et d?angoisse. Le ciel leur semble comme élargi? Enfin, ils sont libres et leur seul souci est de s?éloigner le plus possible du camp qu?ils ont déserté. Ils savent que les Allemands se lanceront à leur poursuite aussitôt l?alerte donnée, et qu?il sera difficile de leur échapper encore. Ils marchent longtemps, galvanisés, comme si une force invisible les poussait en avant. Ils traversent des champs immenses au sol gelé et pierreux, contournent de loin des fermes qu?ils devinent à l?aboiement des chiens. Saoudi appréhende les moments qu?ils passent à travers bois, car les arbres les empêchent de vérifier leur position. Quand le sol le permet, ils se mettent à courir, en tâchant de ne pas perdre la direction générale. La peur d?être repris leur donne des ailes? Le petit jour pointe maintenant à l?horizon quand ils s?enfoncent dans une forêt. Alors, ils choisissent des buissons touffus et s?y jettent, haletants, la gorge en feu? Omar dit : ? Vous croyez qu?ils lanceront les chiens à notre poursuite ? ? Oui, ils vont peut-être le faire pour nous rattraper, répond Sadek, l?air soudain inquiet. ? Pour le moment, reposons-nous, dit Saoudi et si Dieu nous a aidés pour sortir d?ici, il nous aidera à leur échapper, Incha Allah ! Ils restent un moment silencieux, reprenant lentement leur souffle, puis, ils s?allongent sur l?herbe humide, la tête posée sur leurs bras repliés, et sombrent presque immédiatement dans un sommeil de plomb. (à suivre...)