Performance n Le Musée d'art moderne d'Alger, le Mama, a vibré, hier, aux rythmes de la danse contemporaine, et ce, à travers une création chorégraphique signée Nacera Belaza. La chorégraphe, établie en France et qui a pour projet la création d'une compagnie algérienne de danse contemporaine à Alger, a proposé une performance mobile composée de trois tableaux de danse contemporaine. Autrement dit, le public changeait de place à chaque tableau, pour apprécier les mouvements, au cachet étonnant, voire énigmatique, des corps souples des danseurs et danseuses qui évoluaient dans une lumière tamisée, donnant l'impression de silhouettes progressant dans le vide. D'abord, tout est silence, vacuité ; puis, soudain, comme par prodige, naît le mouvement, suivi d'autres ; les mouvements se multiplient, s'enchaînent dans une combinaison de gestuelle imagée, métaphorique ; le geste, qui se déploie avec beaucoup d'entrain et de tendresse, revêt un langage, un style, une sensibilité, le tout porté par le mouvement, et le mouvement est porté quant à lui, par le corps. Le corps se révèle dans sa grâce et sa plénitude, source de vie, générateur de sens. Le corps s'inscrit dans l'espace qu'il recrée. Il le compose, le réinvente ; le corps se réinvente et, par la même occasion, réinvente le mouvement, en agissant sur soi et sur son environnement immédiat. C'est par le corps, plus fort, plus démonstratif que le mot, que tout se dit, se révèle sans retenue. L'action est telle que la combinaison des mouvements renvoie à une situation, voire plusieurs. Le geste, théâtralisé, paraît simple, anodin ; il est réitéré, accentué, pour revenir rendre le corps perceptible et le mémoriser. Assimilant tous les paramètres de l'espace dans lequel il évolue, le corps en mouvement, parfois flexible, par d'autres moments inflexibles, tantôt lents ou tendres, tantôt rapides et brusques, le tout d'une intensité inattendue, introduit, pareil à un rituel aussi bien sacré que profane, une narration frappante, «infiniment décousue», mais qui se veut une expression fulgurante, créant une sensation à laquelle le corps, vivant et «inconscient» – il entre dans une espèce de transe spirituelle – s'abandonne aux retentissements de l'instant présent. L'on est à l'écoute du moindre bruissement, du simple glissement, du petit ruissellement gestuel ; on s'en imprègne, et on absorbe les flux que dégage l'entité corporelle à travers les gestes auxquels s'associaient parfois des cris de douleur ou peut-être de joie ; on l'assimile sans difficulté. Ce que l'on retient de cette performance corporelle, c'est bien l'effraction du vide et celle du temps ; l'espace est dématérialisé, resignifié ; le temps est suspendu un instant, puis le temps d'entrée dans la matière, il est redistribué selon de nouvelles normes, régissant ainsi autrement, avec de nouvelles manières, la spatialité ; le corps revêt alors une existence nouvelle. Le jeu, accompagné d'une musique, tantôt classique tantôt moderne, est instantané, se déroulant sans la moindre prétention ni intention préétablie. Tout se fait naturellement même si le jeu est conjugué, élaboré, témoignant d'une rigueur dans le travail de la composition ; il y a l'illusion de l'improvisation, du sur-le-moment. Cela confère à la prestation une crédibilité scénique, donc chorégraphique certaine. L'on assiste alors à un jeu convaincant, et que l'on peut interpréter suivant notre imagination ou selon nos émotions du moment. Il suffit juste d'être ouvert à ce que le corps, qui se déploie dans des résonances poétiques et un imaginaire libre et affranchi de toutes contraintes ou abus quelconque, suggère comme mouvement, comme expression. l'assimile sans difficulté. Notons que le spectacle est conçu en partenariat avec le MaMa d'Alger et le Théâtre national algérien (TNA).