Le mot vient ? et il n?y a aucun doute sur cette étymologie ? du turc karakeuz qui a donné, dans les langues algériennes, garagouz. ll y a également unanimité sur le sens du mot «bouffon, objet de risée ou de scandale». «ll nous a fait garagouz» : il nous a fait honte ; «c?est un vrai garagouz» : c?est une personne dont on se moque et, par extension, une personne indigne qui couvre de honte ses proches. L'étymologie du mot est aujourd?hui oubliée, pourtant, il y a encore deux siècles, le garagouz se produisait dans les villes et les régions dépendant de l'empire ottoman : c?est tout simplement le fameux théâtre d?ombres turc, l?équivalent de Guignol en Europe. Le théâtre comprenait plusieurs marionnettes que le monteur faisait évoluer sur scène et Garagouz était une de ces marionnettes. Et s?il a donné son nom au théâtre tout entier, c'est parce qu?il était vraiment exceptionnel : c?est un personnage agressif, muni d'un sexe disproportionné qu'il promène sur scène, au grand dam des personnes bien-pensantes, lançant des grivoiseries, mais aussi semant la contestation et le trouble. On l'a deviné : Garagouz est un personnage subversif qui remet en cause les principes les mieux établis et qui brise les tabous. En Algérie, comme ailleurs au Maghreb, il investit surtout le carnaval, pratiqué au cours de fêtes comme Yennayer ou l'Achoura. Durant la période coloniale, il deviendra même un moyen de protestation, mimant les généraux et les administrateurs français. D'ailleurs, on finira par le chasser des scènes publiques mais Garagouz, récupéré par les conteurs et les danseurs, continua, pendant longtemps, à semer le trouble. Aujourd'hui, le théâtre d?ombres a disparu, mais le mot garagouz est toujours vivant, gardant dans ses emplois, ce seuI sens de scandale.