Il était une fois un marchand, si riche qu'il eût pu paver toute la rue et presque une petite ruelle encore en pièces d'argent, mais il ne le faisait pas. Il savait employer autrement sa fortune et s'il dépensait un skilling, c'est qu'il savait gagner un daler. Voilà quelle sorte du marchand c'était – et puis, il mourut. Son fils hérita de tout cet argent et il mena une joyeuse vie ; il allait chaque nuit au bal masqué, confectionnait des cerfs-volants avec des riksdalers de papier, et faisait des ricochets sur la mer avec des pièces d'or à la place de pierres plates. A ce train, l'argent filait vite... A la fin, le garçon ne possédait plus que quatre shillings et ses seuls vêtements étaient une paire de pantoufles et une vieille robe de chambre. Ses amis l'abandonnèrent puisqu'il ne pouvait plus se promener avec eux dans la rue. Mais l'un d'entre eux, qui était bon, lui envoya une vieille malle en lui disant : Fais tes paquets ! C'était vite dit, il n'avait rien à mettre dans la malle. Alors, il s'y mit lui-même. Quelle drôle de malle ! si on appuyait sur la serrure, elle pouvait voler. C'est ce qu'elle fit. elle s'envola avec lui à travers la cheminée, très haut, au-dessus des nuages, de plus en plus loin. Le fond craquait, notre homme craignait qu'il ne se brise en morceaux, il aurait fait une belle culbute ! Grand Dieu !... et puis, il arriva au pays des Turcs. Il cacha la malle dans la forêt, sous des feuilles sèches, Quand nous étions parmi les rameaux verts, soupiraient-elles, on peut dire que c'était la belle vie. C'était matin et soir thé de diamants – la rosée – toute la journée le soleil quand il brillait – et les oiseaux pour nous raconter des histoires. Et nous nous sentions riches ! Les arbres à feuillages n'étaient vêtus que l'été. Nous, nous avions les moyens d'être habillées de vert, été comme hiver. Mais les bûcherons sont venus et ça a été la grande révolution : notre famille fut dispersée. Notre père le tronc fut placé comme grand mât sur un splendide navire qui pouvait faire le tour du monde, s'il le voulait ; les autres branches furent utilisées ailleurs, et notre sort, à nous, est maintenant d'allumer les lumières pour les gens du commun. C'est pourquoi nous, gens de qualité, avons échoué à la cuisine. — Mon histoire est toute différente, dit la marmite. Depuis que je suis venue au monde, on m'a récurée et fait bouillir tant de fois ! je pourvois au substantiel et suis réellement la personne la plus importante de la maison. Ma seule joie c'est, après le repas, de m'étendre propre et récurée sur une planche et de tenir la conversation avec les camarades. Mais à l'exception du seau d'eau qui, de temps en temps, descend dans la cour, nous vivons très renfermés. Notre seul agent d'information est le panier à provisions, mais il parle avec tant d'agitation du gouvernement et du peuple ! Oui, l'autre jour, un vieux pot, effrayé de l'entendre, est tombé et s'est cassé en mille morceaux – il a des idées terriblement avancées, vous savez ! — Tu parles trop, dit le briquet. Son acier frappa la pierre à fusil qui lança des étincelles. Tâchons plutôt de passer une soirée un peu gaie.