Il était une fois un riche marchand qui avait une fille très belle et très intelligente. Ce marchand faisait commerce dans plusieurs pays. Dans l'un des royaumes, il rencontra le roi. Il lui présenta sa marchandise magnifique, et lui en laissa quelques pièces. Le roi, dont il avait conquis la confiance, lui révéla alors un secret : ? Je ne trouve pas de fiancée qui me convienne. Le marchand répondit au roi : ? J'ai une fille très belle et très gentille, si belle et si intelligente qu'elle peut lire dans les pensées des autres. Alors le roi ne perdit pas une minute. Il écrivit une lettre, et ordonna à ses gendarmes de porter son courrier à la fille du marchand. Dans la lettre il avait écrit : ? Venez vous marier ! La fille du marchand prit la lettre, fondit en larmes de bonheur, et alla se préparer avec sa servante. La servante avait le même visage que sa maîtresse, à tel point que personne ne pouvait faire la différence entre elles deux. Les voilà donc qui se mettent en route pour le mariage. En pensant que sa maîtresse allait épouser le roi, la servante était torturée de jalousie. Le chemin longeait la mer. Soudain la servante fit une proposition : ? Arrêtons-nous un instant. Allons nous promener sur cette plage. Toutes deux allèrent au bord de la mer. Elles étaient assoiffées par le vent marin et décidèrent de se désaltérer. C'est alors que la perfide servante ajouta en cachette un philtre de sommeil dans le breuvage de sa maîtresse. Une fois celle-ci endormie, elle lui arracha les yeux et les mit dans sa poche. Puis, elle alla voir les gendarmes et leur dit : ? Messieurs les gendarmes, ma servante s'est enfuie par la mer ! Ils lui répondirent : ? Ne t'inquiète pas, ce qui compte avant tout, c'est que tu sois vivante. Et puis, cette paysanne tu n'en as pas vraiment besoin ! Elle arriva auprès du roi. Tout de suite, le mariage fut célébré, et ils commencèrent à vivre ensemble. Mais, par devers lui, le roi pensait : ? J'ai bien l'impression que ce marchand m'a trompé. Cette femme n'est pas une fille de marchand. Comment se peut-il qu'elle soit si stupide ? Et puis elle ne sait absolument rien faire ! Le temps passa. La fille du marchand retrouva ses esprits et se rappela que c'était sa servante qui lui avait fait tout ce mal : elle ne voyait plus rien, elle ne pouvait plus qu'entendre. C'est alors qu'elle entendit un vieil homme qui appelait son troupeau. Elle lui dit : ? Où habites-tu, grand-père ? ? Je vis dans une petite ferme. ? Je t'en prie accueille-moi chez toi. Le vieil homme l'accueillit dans sa misérable demeure. Après quelques jours, elle lui demanda de l'aider et de se rendre dans une boutique pour y faire quelques emplettes : ? Achète à crédit du velours et aussi de la soie, lui dit-elle. Le vieillard s'exécuta. Mais les marchands riches ne voulurent pas faire crédit. On ne lui fit crédit que dans une pauvre échoppe. A la nuit tombante, fatigué, il rapporta à sa jeune aveugle un peu de velours et de soie. Elle lui dit : ? Grand-père, maintenant va dormir et ne t'inquiète pas si je reste éveillée. Pour moi, qu'il fasse jour ou qu'il fasse nuit, c'est la même chose. Et elle se mit à broder une couronne de velours et de soie. Elle travailla toute la nuit. Elle broda une couronne si magnifique, qu'on ne se serait jamais lassé de la regarder. Au petit matin, l'ouvrage était terminé. De bonne heure, elle réveilla le vieil homme et lui dit : ? Va ! Apporte cette couronne au roi. En échange, ne lui demande pas d'argent, demande-lui seulement un ?il. N'aie aucune crainte de ce qu'ils feront de toi. (à suivre...)