Réflexion - «Les expériences théâtrales, parcours et empreintes», est la thématique retenue pour le colloque scientifique qui se tient depuis hier et ce, jusqu'à jeudi, à Béjaïa. De Béjaïa Cette rencontre de trois jours qui réunit des universitaires et chercheurs et professionnels du 4e art, est organisée dans le cadre de la tenue de la 3e édition du Festival international de théâtre. Dans son intervention, le chercheur Mansour Amayar a abordé la question de l'authentification du théâtre dans le monde arabe et notamment la spécification des expériences théâtrales pratiquées dans les différents pays arabes. C'est alors qu'il souligne le souci aussi bien des critiques que des dramaturges arabes de penser à des pratiques théâtrales spécifiques au monde arabe. «Il est plus que nécessaire d'authentifier le théâtre arabe afin d'arriver à penser des pratiques et expériences théâtrales», dit-il, et d'expliquer : «Parce que cela permet de conférer au théâtre arabe sa spécificité et son originalité ; et en plus, un théâtre authentiquement arabe signifie porter les problématiques liées au vécu arabe.» D'où le retour, selon l'intervenant, au théâtre populaire ou rituel, théâtre qui réemploie le patrimoine immatériel local. Il faut puiser dans l'ancestralité, réactualiser les anciennes cultures, réemployer le patrimoine dans sa diversité pour créer des formes théâtrales spécifiques et distinctives. Autrement dit, il s'agit d'être en rupture avec les expressions et expériences théâtrales de type européen, voire occidental. A la question de savoir la raison pour laquelle il est important de faire usage du patrimoine, le conférencier dira : «Le patrimoine représente le territoire et l'identité arabe. Une fois utilisé, voire exploité, il revêt une portée intellectuelle et philosophique», d'où l'importance de l'adapter sur les planches. Il souligne en outre que «le patrimoine donne une autre lecture et une lecture nouvelle de la réalité arabe, et c'est par ce même patrimoine que l'on peut relire, réinterpréter le fait historique.» Ainsi, cela aide à renouveler, enrichir ou nourrir le théâtre arabe. Pour sa part, la Saoudienne Milha Abdellah souligne que «la spécificité du théâtre arabe consiste dans la psychologie du public arabe», et d'ajouter : «Contrairement au public occidental, celui des pays arabe appartient à une société qui privilégie la tradition, l'oralité au visuel.» Autrement dit, pour se créer cet univers de la parole, se le matérialiser, ce public use de son imagination. Donc, en regardant une pièce il se l'imagine à l'aide de ses catégories mentales. C'est lui qui donne aux personnages, à l'espace scénique et ce, à travers son imagination, de l'ampleur, du relief, du volume, donc une étendue plus large, plus profonde, voire plus dimensionnelle. Pour elle, c'est par rapport à ce public qu'il faut mener une réflexion et une recherche aidant à penser de nouvelles expériences et formes sur le théâtre arabe. Selon le Marocain Azeddine Bounit il n'y a pas un théâtre arabe, mais des théâtres arabes. «Il n'y a pas un seul théâtre commun à tous les pays arabes. Il y en a plusieurs. Chaque pays possède ses propres expériences et pratiques. Chacun possède ses outils propres de travail et de réflexion.»Si le contexte historique s'avère le même, commun à tous, à savoir celui de la colonisation, il se trouve que la manière dont le théâtre, en tant que forme et pratique, y a pénétré, n'est pas identique. Elle diffère d'une société à l'autre. A cela s'ajoute la manière avec laquelle il a été réceptionné et comment il a été utilisé, voire récupéré. C'est alors que Azeddine Bounit expliquera que «si en Egypte, le théâtre s'est développé dans des cabarets shows pour distraire le public, au Maroc, en revanche, il a pris un tout autre itinéraire. L'on pratiquait le théâtre à des fins politiques pour dénoncer la colonisation. C'était un théâtre engagé.» Ainsi, il n'y a pas un seul théâtre arabe, mais des théâtres arabes, chacun avec son parcours, son contenu et ses expériences. «Il y a des théâtres arabes avec des parcours historiques propres à chacun, qui déterminent chacune des expériences théâtrales», conclut-il.