Débats - Un débat sur la drogue en milieu scolaire, organisé par InfoSoir, il y a une dizaine de jours, apporte un embryon de lumière sur le sujet. Ils étaient une dizaine d'enseignants et de chefs d'établissements, ainsi qu'un médecin, sur la trentaine de personnes invitées, parmi lesquelles l'on comptait aussi des représentants de la société civile et des syndicalistes. Pendant plusieurs heures, des enseignants se sont exprimés sur la drogue et la violence en milieu scolaire. Les discussions ont porté sur les missions de l'école, la protection de l'enfant scolarisé contre les méfaits de la drogue et de la violence, la réussite des élèves, le fonctionnement des établissements scolaires et le métier d'enseignant. «C'est la première fois que je discute ainsi en vingt ans de carrière, loin des cérémonies officielles et de la langue de bois», s'est enthousiasmée Khalida Kaouane, une enseignante de français. «La drogue et la violence en milieu scolaire… Comment percevez-vous ce fléau ?», avons-nous demandé à l'assistance. C'est Hamid Bacha, un sociologue qui répond sans se faire prier : «Nos établissements scolaires sont devenus les réceptacles de tous les maux sociaux. Une récente enquête a révélé que près de 15% des collégiens s'adonnaient à la consommation de cannabis et on imagine aisément la présence passée sous silence de ces autres drogues que sont les psychotropes et la colle qui ravagent les neurones. De plus, d'autres fléaux sont venus s'y greffer comme la violence devenue banale même envers les enseignants ainsi que le racket, le vol et même une forme pernicieuse de prostitution qui est à l'état embryonnaire, mais qui est là. Terrible état des lieux dans des endroits censés être les temples de l'éducation, de la morale et de la rectitude. Mais il conviendrait de situer les responsabilités en aval, c'est-à-dire chercher dans les programmes et surtout dans le mode d'enseignement, l'absence totale de repères susceptibles d'éclairer notre jeunesse et de l'informer sur les ravages de ces fléaux qui sont arrivés au seuil des classes.» «Je préfère d'abord parler des valeurs de l'école de la république et de comment motiver et faire travailler les élèves. Les parents croient que l'école est le domaine de spécialistes», souligne Bouzid Khellout, un chef d'établissement. «L'élève reste au centre du système éducatif, n'en déplaise au ministre de l'education», ajoute-t-il. «Pour prémunir les enfants de certains vices, j'ai tout essayé. La sensibilisation en petit groupe, le soutien personnalisé, le dialogue avec les parents… En vain ! Je ne sais plus quoi faire pour extraire les élèves de la spirale de la toxicomanie et de la violence», avoue un chef d'établissement de la commune de Rouiba. A l'issue des débats fusent des propositions, que l'on pourrait qualifier de «pas politiquement correctes». «Il faudrait exclure les élèves concernés et porter plainte contre ceux qui introduisent des psychotropes dans les enceintes scolaires», avance un participant. «Ce serait un crime. Nous devons, au contraire, éviter aux enfants scolarisés les centres de redressement et les prisons», lui répond un enseignant d'une école de la commune de Raïs-Hamidou. «Parmi les nombreuses causes de la violence à l'école, il y a le contenu des programmes pédagogiques. Enfermer un chien dans une cage, c'est le rendre méchant. Enfermer un enfant dans un système pédagogique archaïque, c'est le rendre violent», dit une enseignante de Tessala El-Merdja.