De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Au lieu de se pencher sur les causes de son apparition récente dans le pays, de faire un diagnostic global à partir d'un débat large, libre et impartial avec tous les segments actifs indépendants et concernés au sein de la société, les autorités traitent des effets de la violence en général et des violences sectorielles et périphériques telles que la violence scolaire et se contentent de revenir sur le grave sujet à chaque meurtre ou acte singulier de violence dans les écoles et les universités algériennes que l'opinion réprouve et condamne. Dans les sphères autorisées et bien-pensantes, on accuse invariablement la délinquance, oubliant que celle-ci se nourrit elle-même du phénomène de la violence qui se mélange dans ses méandres aux fléaux de la drogue et de la prostitution, lesquels gagnent des terrains insoupçonnés en Kabylie. Approche politicienne conjoncturelle, à chaud et approximative qui apporte souvent de l'eau au moulin de la brutalité. Malgré les drames déplorés, aucune initiative n'est prise pour approcher sereinement le phénomène dans son ensemble. On essaye toujours d'incomber cette dangereuse situation à la décennie du terrorisme des années 1990, comme si la violence partirait avec l'extinction des incendies du terrorisme ou comme si celui-ci n'était plus d'actualité !La sonnette d'alarme a été tirée depuis bien longtemps à ce sujet. Les mêmes préoccupations ont été soulevées par des associations indépendantes, des parents d'élèves et des organisations de la société civile de la région de Kabylie quand une jeune collégienne a été mortellement poignardée devant son CEM à Aït Smaïl, wilaya de Béjaïa et qu'un étudiant a été tué par un de ses camarades à la cité universitaire de Sétif. Au-delà de l'émoi temporaire que ces deux morts ont provoqué au sein de l'entourage des victimes, les responsables en charge des secteurs de l'éducation, de la formation professionnelle, de la sécurité et de l'enseignement universitaire n'étaient même pas capables de trouver un début de réponse convaincant qui puisse atténuer la colère dans la société et rassurer les parents d'élèves à moyen terme. Et on a l'impression que ces décès violents n'ont servi qu'à alimenter le phénomène dans beaucoup de régions du pays. En médiatisant des faits très graves et dangereux sans suivi aucun de leurs répercussions et traitement de leurs origines, sans proposer des solutions pour que ça ne se répète plus, on a donné l'impression d'un laisser-faire. Cette façon de présenter un phénomène qui fait des ravages en milieu scolaire participe de ce «plan» de banalisation des fléaux sociaux et de popularisation des épiphénomènes de la violence, telle la délinquance juvénile. Le nombre de bagarres rangées entre «clans» d'élèves ne cesse d'augmenter aux alentours des établissements scolaires de la wilaya de Tizi Ouzou, mais on sait par «expérience» que les autorités concernées par la circonscription du phénomène de la violence ne vont réagir qu'au lendemain d'une situation dramatique emportant la vie d'un enfant, d'un fonctionnaire de l'administration ou d'un enseignant de la région de Kabylie. Craignant pour la sécurité de leur progéniture, des parents d'élèves d'un CEM de la Nouvelle-Ville de Tizi Ouzou avaient refusé le transfert de leurs enfants vers un autre établissement de la même ville, préférant la surcharge des classes aux commodités douteuses de l'autre CEM. Pendant plusieurs jours, les élèves ont boycotté les cours à l'instigation de leurs parents qui campent sur leurs positions.Il n'y a pas longtemps, dans un autre CEM, plus précisément à Tala Atmane, commune de Tizi Ouzou, des élèves exclus du système scolaire ont réussi à créer un climat d'insécurité pendant plusieurs semaines, empêchant tout le personnel de l'établissement de travailler dans des conditions plus ou moins normales. Ces ex-élèves n'hésitaient pas à balancer des pierres contre l'établissement et à insulter les enseignants, faisant du CEM un lieu d'affrontement et de violence. Pendant ce temps, le ministère de l'Education avance le projet d'un décret portant sur les dispositifs et moyens de lutte contre la violence dans les établissements scolaires qui serait «en cours d'élaboration» pour contrecarrer ce phénomène qui prend une ampleur déconcertante et qui semble bénéficier de facilités d'expansion dans tous les rouages de la société partout en Algérie. Arguant que «la violence n'est pas le produit de l'école», le département de Benbouzid, ministre de l'Education nationale, parle de la perspective de recrutement de 10 000 surveillants qui vont renforcer le staff déjà en activité dans les écoles et qui auront pour mission de «s'interposer en cas de bagarre entre les élèves». S'agit-il là d'école ou de ring ? Le constat du ministère de la tutelle est le suivant à ce propos : «Cette violence, nous la constatons de plus en plus dans nos établissements : elle est le fait des élèves entre eux, d'enseignants vis-à-vis des élèves, des enseignants entre eux, de l'administration vis-à-vis des élèves», avait affirmé le ministre dont les déclarations sont réduites à un simple constat que tout un chacun pourrait relever au simple contact de la réalité. Mais à la place des chiffres sur les moyens financiers et les effectifs qu'on compte affecter pour éteindre les feux de la violence dans les écoles, il est aussi question de montrer et de démontrer que la violence dans son ensemble n'est pas acceptée par les pouvoirs publics comme mode de gestion des conflits sociaux et des différends au sein des institutions, entre la population et les collectivités locales. Des voyous connus de tout le monde sont devenus des facilitateurs et des intermédiaires dans les situations de grogne sociale à Tizi Ouzou et le dépassement de tracasseries bureaucratiques dans la confection de dossiers administratifs d'éligibilité aux projets de jeunes. Et les enfants qui échappent à l'autorité parentale ou autre prennent, bien sûr, exemple sur ces comportements gravissimes. Pour cela, c'est tout le gouvernement et sa politique qui sont interpellés et mis au pied du mur par les organisations de la société civile.