Réalité - La corruption constitue un fléau qui gangrène l'économie nationale. L'Algérie vient d'être classée à la 112e position sur 190 pays, par l'ONG Transparency international dans son dernier rapport et elle a toujours occupé les dernières places depuis son intégration au classement de cette ONG, en 2003. Les autorités publiques reconnaissent l'existence de ce fléau et les ministres multiplient les discours relatifs à la nécessité de son éradication dans le cadre d'un dispositif juridique particulier ( loi 06-01). La lutte contre la corruption nécessite l'implication des citoyens, mais l'absence de confiance en la justice les dissuade. Une étude réalisée par la ligue algérienne des droits de l'Homme ( Laddh) montre que 88% des Algériens affirment qu'ils craignent d'être impliqués, eux aussi, pendant l'instruction s'ils dénoncent des cas de corruption. L'étude qui a été réalisée dans 24 wilayas du pays et ayant touché un échantillon de 1600 citoyens démontre que les Algériens ne sont pas prêts à contribuer dans la lutte contre ce fléau. 85% des personnes interrogées estiment que les hauts fonctionnaires bénéficient de l'immunité, pensant que leur dénonciation ne mènera à rien. Bien que 82% des personnes touchées par l'enquête estiment que la corruption est un crime, ils affirment qu'ils ne sont pas prêts à contribuer pour son éradication car ils estiment que les témoins ne sont pas protégés par la justice. «Lorsque le citoyen n'a pas confiance en la justice de son pays, il ne peut contribuer à dénoncer ce fléau. Il faut absolument renforcer les dispositifs législatifs en matière de protection des dénonciateurs de corruption", a indiqué, hier, Moumene Khelil, secrétaire général de la LADDH lors d'une conférence de presse. Les cas de citoyens ayant tenté de dénoncer la corruption et qui se retrouvent aujourd'hui dans des conditions délicates dissuadent les autres citoyens à faire de même. «Un employé d'une grande entreprise nationale qui avait dénoncé son responsable hiérarchique pour dilapidation des derniers publics s'est retrouvé sans emploi après avoir été licencié pour divulgation de secrets professionnels. Pendant l'instruction, le procureur lui a donné toute la liberté de parler et promis de le protéger, mais ensuite rien n'a été fait : le responsable corrompu est toujours en poste et son dénonciateur s'est retrouvé au chômage et aujourd'hui il éprouve toutes les peines du monde pour acquérir de l'insuline, puisqu'il est atteint de diabète », a indiqué le conférencier. Il est évident que dans cette entreprise qui emploie des milliers d'employés, personne n'osera dénoncer la corruption à l'avenir, a-t-il affirmé. L'étude montre également que 78% des personnes interrogées ignorent les dispositions de la loi 06-01 relative à la lutte contre la corruption. 85% pensent que les peines prononcées sont légères. « Le fléau existe bel et bien et ne cesse de s'aggraver en Algérie. Le ministre de la justice reconnaît que 73 000 personnes sont poursuivies pour dilapidation de derniers publics et corruption, les discours ne manquent pas, mais il faut faire preuve d'une volonté réelle au lieu de se contenter des discours», a insisté le SG de la Laddh. L'enquête en chiffres L'enquête de la Laddh a touché 1600 citoyens, dont 62 % d'hommes et 38 % de femmes. 56 % de l'échantillon sont âgés entre 18-40 ans, 31% âgés entre 41et 55 ans et 12% pour les plus des 56 ans. Les étudiants représentent 19,9 % de l'échantillon, les cadres supérieurs 51%, 16,6% de chômeurs et 12,6 %c exerçant une profession libérale. 32% des personnes interrogées ont fait des études supérieures. 10% seulement des citoyens interrogés se sentent protégés en cas de dénonciation de corruption.