Haïr la société algérienne, détester ses traditions, se moquer de ses croyances, ridiculiser la presse, malmener les artistes… le vrai-faux réquisitoire de Merzak Allouache est à publier dans les manuels de l'extrême-droite européenne. Oran De notre envoyé spécial «Très mal fait !» Le constat est établi par un spectateur connaisseur après la projection, mardi soir, à la salle Saâda d'Oran, de Normal, un ensemble d'images réalisé par Merzak Allouache. Malheureusement, cet ensemble, qualifié pompeusement de fiction par le réalisateur de Tata Bakhta, figure dans la compétition officielle du Festival d'Oran du film arabe (FOFA). Le comité d'organisation a visiblement retenu le film pour faire «taire» Merzak Allouache, lui qui est allé à Doha et ailleurs dire que son produit ne sera pas projeté en Algérie. Le «marketing» de la censure fait parfois recette. Merzak Allouache en raffole. Cela plaît aux «Blancs». Et le réalisateur de Chouchou est habité, jusqu'à la paranoïa, par l'idée de se faire accepter par les Occidentaux. Roulera-t-il par terre ? Oui, il le fera, pour peu que ceux d'en haut, ceux du Nord, l'adorent et lui réservent l'avant-dernier siège ! Justement, Normal est fait pour eux. «Regardez comme je déteste les miens, regardez comme je les traite», semble-t-il leur dire. Décousu, sans scénario, sans trame, Normal met en vedette des acteurs moyens, pour ne pas dire mauvais, voire prétentieux. Le dialogue, dit plus en français qu'en arabe parlé, est un magma de mots cuisinés dans une sauce sans saveur, que le réalisateur veut servir à tout le monde. Il est toujours noble et respectable de militer pour les libertés et la démocratie. Ce qui l'est moins, c'est de le faire en tentant de rejeter l'autre, l'humilier et l'exclure. C'est simple : Merzak Allouache filme une fille en hidjab. Celle-ci est censée être une comédienne venue de France. Elle est, par on ne sait quel miracle, attachée amoureusement à un comédien. Ils échangent des baisers. Le baiser justement est évoqué dans une bonne partie du film. Le prétexte est un débat entre acteurs participant à une fiction réalisée par Fouzi, sans queue ni tête celle-là. Fouzi ? Un cinéaste amateur, peureux, qui vit sur les terrasses d'Alger, dominé par sa scénariste d'épouse. C'est du moins ce qui en ressemble. Le fameux débat, qui vire au discours, est long, sans intérêt et ennuyeux. Il tourne autour de : faut-il ou pas montrer le baiser à l'écran ? Une thématique que Merzak Allouache rabâche sans cesse dans ses fictions. Il fait mieux cette fois-ci : dans le film que Fouzi veut réaliser, la comédienne venue de France est sollicitée pour embrasser ! Eh oui, il faut aussi «importer» les producteurs de «bisous»... Pourquoi pas ? Puisque les Algériens, selon cette théorie, ne savent pas utiliser leurs lèvres ! Les plus «éclairés» nous diront que Merzak Allouache a voulu dénoncer «l'hypocrisie» de la société. Et les plus sages répliqueront que ce cinéaste a bâti tout son «cinéma» sur la dénonciation qui vire à l'insulte de la société algérienne et de sa manière de vivre. Les images sur la saleté dans la ville d'Alger (une triste réalité malheureusement), les bruits dans les cités et le adhan relèvent du déjà-vu dans les films de Merzak Allouache. Ils sont encore une fois montrés dans Normal (un titre injustifié). Ils rappellent la littérature connue de l'extrême droite européenne sur «le bruit et la saleté» attribués aux Arabes et aux Africains ! Revenons à la fille en hidjab. Elle fume. C'est un signe de «libération» pour le réalisateur de Omar Gatlatou. Cette fille va se dénuder doucement, se mettra sur le trottoir (comme une prostituée), montera dans une voiture noire avec deux hommes et ira à la plage. Son copain, le comédien, regarde par la fenêtre le spectacle avec passivité. Il essaie à peine de l'appeler au téléphone. Est-ce là le modèle de «la femme libre» ? Parallèlement à cette histoire, une autre essaye, sans réussir, d'évoquer la censure en Algérie. Les journalistes et les artistes, les vrais, luttent contre ce phénomène depuis des années. Merzak Allouache n'a pas été d'un grand secours pour les Algériens de l'intérieur. Un groupe de comédiens échoue à avoir une aide d'un organisme d'Etat pour le montage d'une pièce pour des motifs ridicules. Là, Merzak Allouache règle ses comptes, puisque son produit n'a pas pu avoir une aide de l'Etat en Algérie. Il en fait de même avec la presse. Un père qui boit du vin (il faut bien !), ouvre El Watan, puis le jette avec mépris sur la table. Il reprend un autre journal, Echourouk, pour se moquer d'une information. Durant tout le film, le bruit d'hélicoptères survolant Alger revient comme une torture chinoise. Même dans un film de guerre, on n'aurait pas fait mieux. Des images du deuxième Festival culturel panafricain d'Alger (Panaf) de 2009 sont incrustées de force dans Normal, sans apporter un plus au film. Celui-ci n'est ni un documentaire, ni une fiction, ni un docu-fiction. Merzak Allouache a reconnu s'être trouvé au Panaf sans savoir réellement ce qu'il allait faire. Son justificatif ? «Des fois, on est dans des situations où l'on n'a pas envie d'écrire un scénario. Mais, j'ai voulu réaliser un film en marge de la manifestation sur les problèmes de la création, de la liberté d'expression. Comme dans tous les pays, on doit pouvoir filmer tout ce que l'on a envie de filmer», a-t-il dit lors du débat qui a suivi la projection du film à la salle Saâda. L'attitude scandaleuse qu'a eue Merzak Allouache avec les journalistes, lors de ce débat, plaide plutôt pour le contraire. Merzak Allouache ne croit ni à la liberté d'expression ni à la liberté de création. Il n'accepte pas d'être critiqué, refuse l'autre opinion et méprise la presse (lire article sur le site www.elwatan.com). Il n'a pas évité de pleurer sur les difficultés qu'il a rencontrées pour réaliser son film. «J'ai accepté de me remettre en cause en tant que cinéaste», a-t-il dit. Très difficile de croire ce discours. Il reste à Merzak Allouache de faire deux choses : descendre sur terre et changer de métier !