Débat - La réalité et les perspectives du théâtre indépendant à Oran suscitent un débat passionnant entre les dramaturges. «Théâtre libre», «Théâtre indépendant», «Théâtre spécial» : autant d'appellations pour désigner une pratique artistique ayant une longue histoire à Oran, puisque remontant aux années 50, avec des espaces ouverts et publics comme la mythique place «Tahtaha» et les cafés populaires de Hai M'dina Jdida, dans lesquels des artistes évoluaient avec aisance. Cette forme de théâtre qui échappait à toutes formes de tutelle, a constitué les prémices de ce qui deviendra, à compter des années 70 et 80, le théâtre libre. Il aura fallu attendre 1988, pour voir naître la première formation indépendante, La Coopérative du 1er-Mai, constituée par un groupe d'hommes de théâtre et dirigée par le regretté Abdelkader Alloula. La ville d'Oran a été effectivement pionnière dans le domaine du théâtre libre où La Coopérative du 1er-Mai a ouvert la voie aux autres formations. Lors du Festival national du théâtre professionnel de 1996, toutes ces coopératives théâtrales, programmées en marge des représentations officielles, ont prouvé qu'elles détenaient des capacités artistiques et esthétiques. Depuis, les troupes indépendantes se sont multipliées. Le critique Mimoune Brahim a estimé qu'il n'y a aucune différence entre le théâtre indépendant et le théâtre professionnel. «La différence réside dans l'appellation et dans le fait que le théâtre des coopératives est rapide en mouvement et se distingue dans la simplicité des décors et le nombre d'acteurs réduit», explique-t-il. Il a, en outre, estimé qu'il n'existe pas de théâtre libre à Oran. «Il y a un théâtre d'Etat et un théâtre des associations. La majorité des troupes indépendantes vivent dans le sillage des associations.» Abdelkader Belkaïd, un des compagnons de scène de Alloula et un des fondateurs de La Coopérative du 1er-Mai rejette, lui aussi, l'existence d'un théâtre indépendant. «Il ne peut exister ce genre de théâtre tant qu'il ne s'autofinance pas et qu'il reste dépendant des structures publiques pour ce qui est de la distribution et de la programmation», explique-t-il, ajoutant que «deux ou trois comédiens ne peuvent constituer une troupe indépendante». Parler du théâtre indépendant conduit de nombreux responsables de coopératives indépendantes d'Oran à soulever la question du vide juridique et de l'absence de textes régissant ce type de théâtre sur la base que les coopératives ne dépendent pas du théâtre d'Etat et ne sont pas également des associations régies par une loi spécifique. A cet égard, Brahim Smaïl, membre de la coopérative Noukta estime que le théâtre indépendant a besoin d'un cadre juridique le régissant et lui permettant d'activer avec plus de liberté, tout en appelant à la création d'un réseau de coopératives pour développer ce type de théâtre. En dépit des moyens financiers dérisoires des coopératives, celles-ci ont réussi à produire des travaux de niveau et à participer à des festivals nationaux et internationaux, a rappelé la critique Anoual Tass. Elle estime que pour redynamiser le théâtre libre, celui-ci ne doit pas être «confiné» au sein de la bâtisse du TRO, mais doit s'ouvrir plutôt sur le monde extérieur, comme les places publiques, les établissements, les écoles et même les cafés comme autrefois. Pour elle, les metteurs en scène et les comédiens «ne doivent pas être des otages» de la billetterie et de la programmation. Le théâtre indépendant d'Oran reste une expérience ayant contribué largement à enrichir le mouvement théâtral en Algérie, notamment durant les années 90, selon un spécialiste du 4e art. Cette forme d'expression artistique, même si ses adeptes proclament haut et fort leur indépendance, bénéficie du soutien de l'Etat, à l'exemple des Journées nationales du théâtre libre, organisées en décembre dernier à Oran, avec le soutien du ministère de la Culture et des institutions étatiques dont le département des arts dramatiques de l'université d'Oran.