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Robert Mugabe : "Le Zimbabwe, c'est moi. La liberté, c'est moi. L'Histoire, c'est moi"
Publié dans Info Soir le 28 - 07 - 2003

Ambition rongé par l'ambition, mais sans moyens, le président Robert Mugabe a réussi à amener le Zimbabwe, un pays à fort potentiel économique, à la faillite. Un «exploit» qui laisse sans voix les économistes les plus avisés. Parcours d'un héros de libération devenu un potentat schizophrénique.
Toujours là. A la tête du Zimbabwe depuis 20 ans, Robert Mugabe semble aujourd'hui entamer une descente aux enfers. Le pays lui échappe. Les syndicats se révoltent, les fonctionnaires se rebellent, le FMI ne veut plus prêter un dollar au Zimbabwe, l'opposition résiste. La liste est longue.
Mais, en vieux briscard de la politique, il sait détourner l'attention. Contestant le leadership de l'Afrique du Sud dans la région, il se veut incontournable. Il envoie ses troupes en RD de Congo. Coût de l'opération : 20 millions de dollars par mois. Les bailleurs de fonds crient à la folie économique. Mugabe s'en moque. Même s'il doit se tourner vers son puissant voisin sud-africain pour demander de l'aide. Le président Thabo Mbeki lui accorde un prêt d'urgence, en février dernier.
«Il a beaucoup de bon sens. Ses analyses sont souvent très justes. Mais il a le don de s'éparpiller et de lancer des insultes à tout le monde. C'est un vieux singe sage et fou à la fois. Malheureusement, il n'amuse plus personne», confie un diplomate congolais.
Son parcours politique, avant qu'il n'accède au pouvoir en 1980, est assez impressionnant. Ancien gardien de troupeau, il devient instituteur avant de se lancer dans la libération de l'ex-Rhodésie. Il a passé dix ans dans les camps et les prisons de l'apartheid.
A la tête du Zanu, il remporte les élections et absorbe le parti rival, le Zapu, autre mouvement de libération. «Et depuis, il est devenu un despote dérangé», aime à répéter Morgan Tsvangirai, leader du Mouvement pour le changement démocratique.
Economie en faillite
Tous les indices économiques sont au rouge. Un Zimbabwéen sur deux est au chômage. L'inflation a atteint un pic de 60% et la croissance du produit intérieur brut est passée de 7,3% en 1996 à 1% en 1999. La dette extérieure avoisine les cinq milliards de dollars.
Le FMI et la Banque mondiale ont suspendu leurs aides depuis l'année dernière. Pour détourner la frustration de son peuple, Mugabe lance une campagne d'expropriation des terres des fermiers blancs.
Il encourage les squatters, des anciens combattants pour la plupart, puis réprime le mouvement dans le sang. Il laisse le soin à son ministre de l'Intérieur de justifier son revirement sur le plan local.
Lui, il se délecte dans ses attaques quotidiennes contre la presse anglaise. Qui le lui rend bien. «Vieux fou, sénile dégénéré, le nouvel Amin Dada», les tabloïds anglais ne sont jamais à court de qualificatifs, quelquefois racistes.
Syndicalisme au pas. Le président n'aime pas les syndicats. «Ils sont aussi nuisibles que la presse anglaise. Ils font fuir les touristes», parodie un militant du MDC.
Mugabe menace les syndicats de représailles à chaque fois que ces derniers veulent faire une grève. «J'exhorte le congrès des syndicats à renoncer à la violence. S'ils pensent que nous plaisantons, qu'ils répètent les événements qui se sont passés récemment et nous verrons la suite.» Lourde menace qui ne fait pas peur aux syndicats. Ils ont même réussi à faire échouer une proposition gouvernementale d?indemniser les anciens combattants.
Robert Mugabe entendait récompenser son fidèle électorat. Le gouvernement a tenté d'instaurer une contribution de 5% afin de recueillir des fonds pour indemniser les anciens combattants de la guerre de libération du Zimbabwe. Cela a tourné à l'émeute. Le gouvernement a ravalé sa proposition.
Mais Mugabe ne digère pas ce refus. «La liberté dont vous disposez émane du peuple, de l'Union nationale africaine du Zimbabwe, front patriotique, un parti au pouvoir qui s'est battu pendant que vous vous réconfortiez.» «Vous me devez tout.
Le Zimbabwe, c'est moi. La liberté, c'est moi. L'Histoire, c'est moi.»


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