Depuis des mois, le Zimbabwe, naguère cité en exemple pour ses progrès économiques et sa stabilité, fait figure d'homme malade de l'Afrique australe. Le président Mugabe, au pouvoir depuis plus de vingt ans, fait face à des critiques grandissantes dues à son engagement congolais : en août 1998, son armée, dépêchée en hâte à Kinshasa, empêcha la capitale de la République démocratique du Congo de tomber aux mains des rebelles soutenus par le Rwanda et l'Ouganda. Le président justifia cette intervention par le devoir de solidarité à l'égard d'un autre pays membre de la Sadc (Conférence des Etats d'Afrique australe), mais la campagne se révéla plus longue et plus coûteuse que prévu, avec 13 000 hommes déployés sur le front congolais. L'opinion publique zimbabwéenne n'a jamais réellement compris les raisons de cet engagement, qui s'est traduit par d'importantes pertes humaines et matérielles et qui a contribué à discréditer le régime sur le plan international, lui valant à la fois des sanctions financières et des pressions politiques.L'aventure congolaise, à laquelle l'histoire rendra peut-être justice, n'est cependant pas la seule cause de la défaveur du président Mugabe. Ce dernier, aujourd'hui âgé de 78 ans, est victime de l'usure du pouvoir : les jeunes générations ne se reconnaissent plus dans ses discours populistes et le radicalisme de la réforme agraire. Elles dénoncent également le favoritisme du régime, la corruption de ses hauts dirigeants et de ses généraux qui, en RDC, ont monté des joint-ventures pour l'exploitation du diamant et du bois tropical. Voici deux ans, l'apparition d'un parti d'opposition, le MDC (Mouvement pour le changement démocratique), dirigé par un ancien syndicaliste, Morvan Tsvangirai, a cristallisé le débat. Lors des dernières élections législatives, le MDC, nouveau venu sur la scène politique, a raflé 57 sièges contre 62 au jusque-là tout-puissant parti du président, le Zanu-PF (Zimbabwean National Union- Front patriotique). Soutenu par les milieux d'affaires, les classes moyennes, les citadins, mais aussi par une jeunesse fortement touchée par le chômage (dont le taux atteint 60%), le MDC s'appuie également sur la presse d'opposition et sur les fermiers blancs, qui ont abandonné la discrétion dont ils avaient fait preuve depuis l'indépendance. Une véritable guérilla entre la presse et le régime s'est engagée : des journalistes ont été emprisonnés, battus et, l'an dernier, l'imprimerie du Daily News ? le principal journal d'opposition ? a volé en éclats à la suite d'un attentat probablement téléguidé.