L'épidémie de choléra au Zimbabwe, où l'état d'urgence sanitaire a été déclaré et dont le système de santé délabré est incapable de faire face à la crise, suscite l'inquiétude dans les pays voisins ainsi qu'une recrudescence des critiques contre le très contesté président Robert Mugabe. L'Afrique du Sud a annoncé vendredi l'envoi de médecins militaires supplémentaires sur sa frontière nord, afin de soigner les victimes zimbabwéennes du choléra qui ont fui leur pays à la recherche d'aide. Pretoria a aussi décidé d'acheminer de l'eau potable et d'autres fournitures au Zimbabwe, qui a déclaré jeudi l'état d'urgence sanitaire. "Le Zimbabwe est ravagé par une épidémie de choléra qui s'étend aujourd'hui à toutes les provinces du pays", note dans un communiqué l'organisation humanitaire Médecins du Monde, qui envoie "une équipe en renfort" sur place. Maladie infectieuse transmise par la nourriture et l'eau contaminées, le choléra est normalement facile à éviter et guérir. Mais le délabrement des systèmes de santé et d'épuration des eaux au Zimbabwe est tel qu'il a permis le développement d'une épidémie dont ont craint désormais qu'elle devienne régionale. Selon les Nations unies, l'épidémie a infecté au moins 12.700 personnes et fait 575 morts depuis août. Les organisations humanitaires estiment toutefois que de nombreux autres Zimbabwéens sont probablement morts chez eux à cause de la maladie et n'ont pas été comptabilisés dans les chiffres officiels. Le taux de mortalité atteint jusqu'à 10% des personnes infectées alors qu'il est normalement de 1%, souligne de son côté Caroline Hooper-Box, porte-parole de l'ONG britannique Oxfam. L'Afrique du Sud enverra lundi une mission d'évaluation au Zimbabwe pour faire le point sur la situation sanitaire, a annoncé vendredi Themba Maseko, porte-parole du gouvernement sud-africain. Il a précisé que Pretoria allait continuer à coopérer avec l'Organisation mondiale de la santé (OMS) "pour apporter une aide aux structures médicales au Zimbabwe afin de gérer et de réduire l'afflux de Zimbabwéens en Afrique du Sud et dans d'autres pays voisins". Au Mozambique et au Botswana, deux autres voisins du Zimbabwe, les autorités sanitaires sont en état d'alerte et tentent de déterminer les risques de propagation de l'épidémie dans la région. Le choléra est une maladie courante dans de nombreuses régions d'Afrique australe. Les voisins du Zimbabwe, Afrique du Sud en tête, tentent également de jouer les bons offices dans la crise politique zimbabwéenne alors que le président Robert Mugabe refuse toujours de mettre en oeuvre un accord de partage du pouvoir avec l'opposition. Contrairement au principal médiateur, l'ancien président sud-africain Thabo Mbeki, certains africains perdent patience envers un chef d'Etat zimbabwéen au régime de plus en plus autocratique. Dans une interview jeudi à "Nova", émission d'actualités de la télévision néerlandaise, le prix Nobel de la paix Desmond Tutu a estimé que les Etats africains devraient recourir à la force pour chasser Mugabe du pouvoir s'il persiste à vouloir s'y accrocher. Une autre possibilité serait de le menacer de poursuites devant la Cour pénale internationale basée à La Haye, selon l'ancien archevêque anglican du Cap. Mugabe "détruit un pays merveilleux", a déclaré lors de l'entretien Mgr Tutu, depuis longtemps un des plus farouches détracteurs du président zimbabwéen. "Un pays qui était un grenier est aujourd'hui un cas désespéré qui a besoin d'aide." En visite au Danemark, la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice a jugé pour sa part qu'il était "plus que temps" que Mugabe quitte le pouvoir. L'épidémie de choléra est un signe que la communauté internationale doit "se mobiliser" et faire preuve de fermeté à l'égard du chef d'Etat zimbabwéen, à commencer par les pays d'Afrique australe, a-t-elle estimé. De son côté, le chef de la diplomatie britannique David Miliband voit dans la dégradation de la situation au Zimbabwe "une illustration supplémentaire de la mauvaise gouvernance du gouvernement voyou du Zimbabwe". La Grande-Bretagne et les Pays-Bas poussent à un renforcement des sanctions de l'Union européenne contre le régime de Mugabe. La semaine dernière, le chef de la diplomatie du Botswana a également appelé les voisins du Zimbabwe à imposer des sanctions à Mugabe.