Après avoir fait ses courses à Djelfa en compagnie de sa femme, le colon prit le chemin du retour pour rejoindre ses champs. La carriole roulait à vive allure sur une piste étroite encaissée au pied d'une montagne quand soudain un rocher de plusieurs tonnes se détacha de son versant, déboula dans le vide et alla s'écraser sur le malheureux couple. Il ne restait rien du colon et de son épouse, seulement de la chair en charpie. Aussitôt informés du drame, les gendarmes accoururent sur les lieux et ne purent que constater le décès de leurs deux compatriotes. Cet accident, pensèrent-ils tout de suite, était l'œuvre des rebelles aidés et renseignés par les fellahs des environs. Ils en étaient intimement convaincus. En représailles, ils interrogeront sur procès-verbal tous les fellahs de la région et beaucoup seront jugés et condamnés à la prison sur simple présomption. Et pour bien montrer à la population qu'on ne badine pas avec le sang des Français, ils forceront tous les habitants des douars à remettre ce rocher à sa place… Une œuvre colossale qui n'était pas sans rappeler les esclaves de pharaon qui se mettaient à cent pour monter un bloc de pyramide. Un fois en place, les indigènes caleront ce rocher par de grosses chaînes pour que plus jamais il ne dégringole et ne fasse d'autres dégâts. Ils l'appelleront «Hadjrat el-m'bassia» c'est-à-dire le rocher de la prison. A l'évidence, personne depuis ne l'a libéré de ses chaînes