Mobilisation - Des centaines de Tunisiens protestent contre les discours extrémistes et fanatiques dans le pays. Ils se sont rassemblés hier, samedi, devant le siège de l'Assemblée constituante, pour «condamner l'émergence» des signes d'extrémisme et de fanatisme et «l'accès des salafistes à la scène politique» à travers des discours semant la discorde. Les participants à ce sit-in de protestation ont condamné les discours «incitant à la violence et à la division et visant à porter atteinte aux droits et acquis de la femme». «La sédition est pire que la tuerie», «Nous sommes tous des musulmans et nous n'acceptons pas la sédition», «Vous, les prédicateurs de la sédition, votre solde est insuffisant pour réaliser vos objectifs en Tunisie», pouvait-on lire sur de grandes banderoles. Le rassemblement réunit deux groupes. Le premier participe à la manifestation à l'appel de trois nouveaux partis politiques, «Kolna Tunes», «Réseau Doustourna» et l'«Initiative citoyenne». Le deuxième groupe est composé notamment de jeunes qui appellent à la «désobéissance à ce régime», dénonçant la diffusion par des «intrus des idées extrémistes». Le passage en Tunisie de plusieurs prédicateurs arabes, notamment l'Egyptien Wajdi Honeim, prêcheur réputé pour ses positions extrémistes, a suscité de vives réactions dans la société civile. Au cours de ses prêches, il avait appelé à l'application de la charia en Tunisie, avait fustigé «les laïcs et les libéraux», les «apostats» et qualifié l'excision des femmes «d'opération esthétique». «Que personne ne vienne en Tunisie pour provoquer le clivage au sein de la population. Les prêches dans les mosquées doivent être consacrés aux questions religieuses», s'est énervé Kamel Jalouli, membre du parti «Kolna Tounes». En route pour rejoindre les manifestants, Amel Belhaj Ali, rédactrice en chef d'un journal sur internet, s'est dit «scandalisée» d'être traitée de «pute» et de «prostituée» par un groupe de jeunes âgés de moins de 30 ans et non barbus. «C'est une culture qui est en train d'être instaurée en Tunisie ! Toutes les femmes non voilées sont considérées maintenant comme des putes et des prostituées», a-t-elle déploré, la gorge nouée. «J'appelle les pays démocratiques à soutenir les formes d'expression progressistes en Tunisie et à soutenir notamment la femme tunisienne parce qu'elle n'a jamais été autant menacée dans ses droits et dans sa position même dans la société», a-t-elle ajouté. Les manifestants ont, par ailleurs, appelé les autorités du pays à «préserver les acquis du peuple, son identité et ses constantes» et à prendre des décisions à même de «garantir» la sécurité et «d'appliquer la loi contre ceux qui menacent l'ordre public». Les représentants de la société civile ont adressé un message au président de l'Assemblée constituante, dans lequel ils soulignent leur «attachement» à la concorde nationale entre l'ensemble des partis politiques et les représentants de la société civile en vue d'élaborer une Constitution qui «consacre un Etat civil et instaure un régime républicain basé sur la démocratie et qui garantit une alternance pacifique au pouvoir ayant pour fondement la souveraineté effective du peuple et le principe de la citoyenneté». Pour sa part, le président de l'Assemblée constituante, Mustapha Ben Jaafar, a souligné que la Constitution de la Tunisie «fera l'objet d'un consensus entre les membres de l'Assemblée constituante», saluant «la vigilance des Tunisiens contre l'extrémiste et le fanatisme».