L'identification aux personnages des romans de Feraoun et la constitution d'un monde littéraire algérien ont réuni, samedi à Alger autour d'une table ronde, des écrivains et hommes de lettres algériens, en clôture du colloque international en hommage au romancier, entamé jeudi. Lors de cette dernière journée du colloque organisé par le Cnrpah (Centre national de recherche préhistorique, anthropologique et historique), l'écrivain et traducteur Mohamed Sari est revenu sur l' «idéologie patriotique post-indépendance» qui a, selon lui, «marginalisé Feraoun (qui) n'était pas en odeur de sainteté, au regard de l'orientation politique qui s'est imposée après 1962». A contrario, dès l'indépendance, des lecteurs de Feraoun, dont l'intervenant, s'identifiaient à Menrad Fouroulou, personnage principal du roman «Le fils du pauvre», a dit Mohamed Sari, rejoint par Brahim Tazaghart qui voit dans cette identification le réconfort d'un personnage familier de l'Algérien ordinaire. Cet écrivain amazighophone se dit, par ailleurs, fier de retrouver des termes en Tamazighit dans les oeuvres d'écrivains comme Feraoun et Mohamed Dib. Enchaînant sur ce thème, Benamar Mediene a ajouté que le goût littéraire «doit s'ouvrir, se libérer et s'émanciper pour pouvoir se construire une littérature algérienne». Une littérature, que Rachid Boudjedra qualifie de «monde en réelle ébullition», au vu du nombre d'éditeurs, d'auteurs et du lectorat algérien en constante progression depuis l'époque des pères fondateurs de la littérature algérienne moderne. Cependant, l'écrivain et dramaturge Arezki Metref considère obsolète la notion de nationalité, expliquant que «les frontières littéraires ne sont pas si hermétiques» et que chaque auteur s'inspirait d'un ou de plusieurs de ses prédécesseurs: «l'algérianité de la littérature, dit-il, doit assumer et cultiver sa diversité». Dans un registre plus empreint d'émotion, plusieurs témoins ayant connu ou côtoyé Feraoun ont été invités à prendre la parole, dont M. Moula Hannoune, qui se souvient du jour où Feraoun l'avait personnellement accompagné dans une école, en Kabylie, pour y passer son examen d'accès au collège. M. Sid Ahmed Dendane, ancien enseignant des Centres sociaux-éducatifs et témoin oculaire de l'attentat perpétré par l'Oas (Organisation de l'armée secrète) le 15 mars 1962 contre Mouloud Feraoun et cinq de ses compagnons, a lui aussi tenu à présenter son récit sur cette sanglante journée.