Indifférence Quand on n?a plus rien, quand la société vous rejette et vous méprise parce que vous n?avez plus rien, que reste-t-il à faire ? Le Théâtre national algérien, Mahieddine-Bachtarzi, semble, depuis quelque temps, avoir renoué avec le répertoire théâtral universel. Après El badla el-baïdha (le costume blanc) de Ray Bradbary, et Ezzaïr (le visiteur) de Vladine Dazorsev, la direction de la programmation du TNA a présenté, hier, mercredi, la générale du Suicidé, une pièce de Nicolaï Erdman, adaptée et mise en scène par Malek Laggoun. La pièce, en cinq actes, raconte Salim, le personnage central de la pièce qui, sans travail depuis une année et de ce fait à la charge de la société, tel un fardeau encombrant, se trouve exclu et marginalisé par ses proches. Ceci l?amène à vivre un véritable calvaire, à la limite de l?enfer. Une nuit, alors qu?il n?arrivait pas à trouver le sommeil, Salim prétexte la faim et réveille sa femme. Jaillie alors entre le couple une forte dispute. Furieux, Salim quitte précipitamment la chambre et disparaît. Inquiète, Meriem, sa femme, croit que Salim va commettre l?irréparable : le suicide. Désemparée, elle réveille ses voisins, et leur fait part des intentions de son époux. Ces derniers tentent de le dissuader ; toutefois, Salim, voyant l?intérêt soudain que lui porte son entourage, leur emboîte le pas et entre dans l?idée du suicide non pas par désespoir mais afin de retrouver une légitimité et une fonction sociale. Le suicidé est une pièce qui met en avant l?intérêt de l?individu d?exister en tant que tel, d?exister en tant que sujet à part entière dans une société et dans un environnement social. La pièce révèle également à quel point les gens se montrent indifférents, irrespectueux envers ceux qui, une fois qu?ils n?ont rien à donner, à produire, se révèlent insignifiants aux yeux de la société qui, impitoyable, ne cesse de les diminuer, de les réduire à une entité inexistante, et de ne pas les juger à leur juste valeur. La pièce, qui offre au public un jeu scénique attachant, est d?une telle intensité intellectuelle,voire philosophique, qu?elle nous invite à réfléchir sur nous-mêmes, et nous fait interroger sur les relations que l?on peut avoir avec autrui. La pièce, à caractère universel, véhicule minutieusement une pensée, une philosophie, une réflexion capable de nous interpeller, d?interpeller notre conscience, et de répondre à nos questionnements. Elle est un miroir. Chacun des personnages illustre ce regard que l?on porte sur soi, et cette attitude que l?on affiche envers l?autre. Chacun des personnages incarne cette réalité par laquelle on se définit et qui nous lie à nous-mêmes. Cette réalité se traduit par le rejet de son prochain, jusqu?à ne pas le faire exister dans notre conscience seulement parce qu?il ne répond plus au modèle que la collectivité a pensé et imposé à chacun.