Rencontre n Une journée d'étude autour du personnage et du parcours de l'homme de théâtre Mahieddine Bachtarzi a eu lieu hier, mercredi, au théâtre de verdure. Cette rencontre a été organisée conjointement à l'initiative de l'établissement Arts et Culture et du Centre national de recherche en anthropologie sociale et culturelle. Abdelhakim Meziani, journaliste et auteur, a qualifié Mahieddine Bachtarzi de «produit de la cité», car, a-t-il dit, «il était promoteur de la culture citadine», et ce, à travers le théâtre et les chansons qu'il écrivait. Tout comme il a reconnu que ce personnage a eu «un itinéraire riche et multiple». Mahieddine Bachtarzi est connu pour être un homme de théâtre, mais aussi pour avoir œuvré dans le domaine de la musique – on dénombre plus de 400 mélodies que l'artiste a composées – et du cinéma. L'intervenant a, ensuite, indiqué que Bachtarzi était en avance sur son époque. «Il avait bousculé les attitudes surannées, tout comme il a contribué à l'éveil du peuple», a-t-il relevé. Autrement dit, Bachtarzi, qui a su et réussi à imprimer l'action théâtrale dans les mœurs de la société algérienne, révolutionnant les consciences et émancipant les mentalités, était un révolutionnaire. Il n'avait certes pas adhéré au mouvement armé, mais il avait milité à sa manière et à un niveau intellectuel pour la cause algérienne. «La Révolution nationale est issue de la prise de conscience culturelle et intellectuelle », dira Abdelhakim Meziani. Ainsi, Bachtarzi que ses détracteurs ne reconnaissent pas comme militant pour la cause nationale, était nationaliste. Son nationalisme se traduisait d'ailleurs dans l'action culturelle qu'il menait à bon escient, tel un amiral menant son navire à bon port. C'est ainsi que Kamel Bendimered a qualifié Mahieddine Bachtarzi : «L'Amiral du théâtre algérien». Ce dernier, en intervenant, a fait savoir que Bachtarzi s'est lancé dans «une croisière théâtrale». Kamel Bendimered, pour qui l'artiste était «créateur et fécond», a relevé que Bachtarzi avait «libéré la dynamique théâtrale». «Il a doté l'Algérie d'un théâtre qui est le sien», a-t-il dit. Et de poursuivre : «Bachtarzi, qui avait du flair, qui était à l'affût de l'oiseau rare et qui découvrait de jeunes talents, à l'exemple de Keltoum, avait pour souci de faire connaître les comédiens algériens dans le monde arabe.» L'action théâtrale de Bachtarzi s'est révélée, tant par son contenu que par sa dimension, une entreprise. Car il a mis en place un réseau de diffusion et de vulgarisation du théâtre dans toute l'Algérie. «Bachtarzi avait tissé, étoffé et étendu son réseau de théâtre à travers l'Algérie et il l'avait développé», a-t-il souligné. En somme, Mahieddine Bachtarzi a décentralisé l'action théâtrale. Pour sa part, Ahmed Cheniki, universitaire et critique, a mis l'accent sur le rôle qu'a joué Mahieddine Bachtarzi dans l'évolution du théâtre algérien. «On ne peut parler de théâtre algérien sans évoquer le nom et l'empreinte de Bachtarzi», a-t-il fait remarquer, ajoutant : «Bachtarzi avait le sens de l'organisation. Il a tracé et organisé le parcours du théâtre algérien.» Et de poursuivre : «Tout comme il avait vulgarisé le théâtre en Algérie et il l'avait répandu aussi bien dans les villes que dans les villages.» Bachtarzi avait, en effet, fait des tournées à travers tout le territoire. l Hadj Meliani, universitaire et chercheur, a, de son côté, appelé à «aller au-delà des stéréotypes et des idées reçues» et «apporter quelque chose de nouveau» quant au personnage de Bachtarzi. «Il faut entamer un travail scientifique sur Mahieddine Bachtarzi», a-t-il relevé, car, a-t-il poursuivi, «des soirées artistiques en hommage à cet homme ne suffisent pas pour le connaître et comprendre son parcours. » «On reprend tellement de choses dites et redites sur lui qu'au bout du compte on n'apprend rien sur lui », a-t-il repris, avant d'ajouter : «Tout le monde semble connaître Bachtarzi, mais en réalité, et dans les faits, on connaît très peu de choses sur lui.» C'est pour cette raison que Hadj Meliani a demandé à ceux qui détiennent des archives et des documents sur Mahieddine Bachtarzi de les mettre à la disposition des chercheurs en vue de les étudier. Tout comme il a mis l'accent sur la nécessité d'approcher les derniers témoins qui ont connu l'artiste et de collecter et d'archiver leur témoignage. Car, a-t-il précisé, «on ne peut construire l'histoire culturelle et intellectuelle à partir de généralités». Hadj Meliani a, par la suite, regretté que des archives et des enregistrements sonores et visuels se trouvent à l'étranger, dans des bibliothèques, comme celles des USA ou du Canada. « Pour faire un travail sur Bachtarzi, on a dû chercher ailleurs qu'en Algérie », a-t-il déploré. Ainsi, en vue de constituer une mémoire vivante de Bachtarzi, il faut se référer aux archives et autres documents le concernant que leur détenteurs doivent rendre accessibles aux chercheurs.