Résumé de la 13e partie n Selon Sophia, Brenda, en femme très prudente, n'a pas tué le grand-père... Mais, malgré ça, je ne crois pas à la culpabilité de Brenda. Elle était née, je ne saurais mieux dire, pour vivre dans un harem. Rester assise toute la journée, manger des bonbons, avoir de beaux vêtements, des bijoux, lire des romans et aller au cinéma, voilà pour elle l'existence idéale ! J'ajoute, si surprenant que cela puisse paraître, étant donné qu'il avait quatre-vingt-cinq ans, qu'elle ressentait, je pense, beaucoup d'affection pour mon grand-père. Ce n'était pas un homme banal, vous savez ! Il devait lui donner l'impression d'être la favorite du sultan, une jeune personne très romantique, qui voulait qu'on s'occupât d'elle. Il avait toujours su manier les femmes et, même avec l'âge, c'est un art qu'on ne perd pas. Laissant Brenda de côté pour le moment, je revins sur un point qui me tracassait. — Vous avez dit tout à l'heure que vous aviez peur, Sophia. Pourquoi ? — Parce que c'est vrai, me répondit-elle, baissant la voix. Ce qu'il faut que vous compreniez bien, c'est que nous formons une famille assez étrange, composée de gens impitoyables, mais qui ne sont pas tous impitoyables de la même façon. Mon visage exprimant une incompréhension totale, elle poursuivit : — Je vais essayer de vous expliquer ce que je veux dire. Prenons grand-père, par exemple. Un jour, dans la conversation, il racontait, comme si la chose eût été toute naturelle, que, dans sa jeunesse, à Smyrne, il avait tué deux hommes à coups de poignard. Il croyait se rappeler qu'ils l'avaient insulté, mais il n'en était plus bien sûr. Il disait ça très simplement et je vous certifie que de tels propos sont assez déconcertants quand on vous les tient à Londres. J'acquiesçai du chef. Elle reprit : — Ma grand-mère était tout aussi insensible, mais dans un genre différent. Je l'ai à peine connue, mais on m'a beaucoup parlé d'elle. J'ai idée qu'elle n'avait pas de cœur parce qu'elle manquait d'imagination. Elle avait été élevée parmi les chasseurs de renards, de vieux généraux, très chatouilleux sur le point d'honneur et toujours prêts à tirer un coup de fusil, toujours disposés à expédier leur prochain dans l'autre monde. — Ne noircissez-vous pas un peu le tableau ? — Je ne crois pas. On peut être très droit et n'avoir de pitié pour personne. Ma mère, elle, c'est autre chose. Elle est adorable, mais terriblement égoïste, sans d'ailleurs s'en douter. A suivre Agatha Christie