Sagesse - Les enfants qui travaillent pendant la saison estivale font preuve d'une grande maturité et d'un sens élevé des responsabilités. D'ailleurs, ils affirment ne rien envier aux autres enfants qui passent leurs grandes vacances dans la joie et les loisirs. Un proverbe bien de chez nous revient sur les lèvres de la plupart de nos interlocuteurs. «Kheddam r'djal sid'houm» (Le travailleur est le maître des hommes). Voilà une réponse qui renseigne sur une maturité d'adulte chez des bambins dont le seul tort est d'être issus de familles nécessiteuses. La notion de repos et de vacances ne signifie rien pour ces gosses qui se voient déjà grands et obligés d'apporter leur contribution pour les besoins de la vie quotidienne de leurs familles. Ils vont même jusqu'à appeler les enfants, qui, l'été, jouissent de la plage ou des visites touristiques, de «fils à maman». Pour nos interlocuteurs, le travail est une nécessité, une vertu et un signe de dignité. «Ces enfants gâtés qui sont collés à leurs parents, seront incapables d'assumer leurs responsabilités lorsqu'ils deviendront adultes. Il leur sera impossible de se débrouiller seuls, donc inutiles pour la société», affirment-ils. La réplique d'un enfant, vendeur de thé, à la station touristique du CET de Tipasa nous laisse pantois. «Et les martyrs qui ont libéré l'Algérie, avaient-ils les moyens de passer des vacances ? Avaient-ils la possibilité de jouer pendant l'enfance ?... Ils étaient très pauvres, mais ils ont grandi et sont parvenus à vaincre l'armée française. C'est la misère qui sème la détermination et le sens des responsabilités chez les hommes !», souligne-t-il. Deux fillettes qui vendent des galettes sur l'autoroute menant de Zéralda à Ben Aknoun, n'ont pas manqué, elles aussi, de souligner que leur petit boulot les rend fières et heureuses. «Nous travaillons pour aider notre maman, nous faisons tout pour réussir dans nos études et à l'avenir nous serons, nous aussi, riches, Inch'Allah. C'est une étape de souffrance, mais nous avons la patience et le courage nécessaires», lancent ces sœurs jumelles âgées de dix ans. Elles restent debout pendant de longues heures, brandissent ce pain fait maison et attendent qu'un automobiliste s'arrête pour en acheter. Avec le temps et l'habitude, les petites vendeuses ont appris de nouvelles techniques de marketing ! Un geste de la main signifiant que la galette est de bonne qualité a attiré notre attention. Nous nous sommes arrêtés. «Vous n'allez pas trouver une meilleure qualité. Cette galette est cuite au feu de bois. Ma mère a une longue expérience dans ce métier. D'ailleurs il n'en reste que trois», lance, timidement, Fatma Zohra accompagnée de sa sœur jumelle Khadidja. «S'il vous plaît, achetez et laissez-nous rentrer à la maison. La nuit approche et nous devons faire de l'autostop pour aller à Aïn Benian», ajoute-t-elle. Les petites filles habitent dans un bidonville. «Mon père est handicapé, ma mère est femme de ménage à l'hôpital de Beni Messous. Nous avons aussi deux petits frères âgés de cinq et trois ans. Nous sommes là tous les week-ends et durant les vacances scolaires...», précisent-elles. Un témoignage émouvant d'une misère poignante qui frappe des milliers de familles algériennes.