Nostalgie Fan de découvertes et de voyages, l?algérien se retrouve, après une embellie, cloîtré dans son propre pays n?ayant que des souvenirs pour se réconforter. L?Algérien et le tourisme. Voilà un thème que l?on pouvait expédier d?une façon laconique dans la rubrique des insolites. La cherté de la vie, le pouvoir d?achat en perpétuelle érosion font qu?on ne peut trop s?attarder sur ce volet. La notion de vacances devient caduque, voire insignifiante. L?Algérien aime bien le farniente, se la couler douce, avoir les pieds dans l?eau. Seulement, ce plaisir, si anodin ailleurs, est hors d?atteinte chez nous. Combien de fois sommes-nous restés rêveurs devant les réclames diffusées sur les chaînes étrangères annonçant à moindre coût des vacances à Malte, à Djerba, en Guadeloupe, à l?île de la réunion? le tout agrémenté de paysages dantesques à vous couper le souffle. Des placards publicitaires à profusion vous invitent à des destinations de rêve et à des prix dérisoires. Punta Cana 1 010 euros pour un séjour de deux semaines, San Domingue, sur la côte Villas Bavaro, 9 jours et 7 nuits pour seulement 790 euros avec vol, transferts, hôtel deux étoiles en pension complète. Sur le Net, la bataille est rude entre les opérateurs. L?originalité réside dans les prix et les services affichés. La notion du tourisme de masse prend toute son importance car il y a de l?argent à ramasser. Juteux, le commerce du rêve atteint son paroxysme en offrant des séjours pas chers et aussi loin que possible. L?engouement est assuré. Chez nous, depuis la suppression de la fameuse autorisation de sortie et la restauration de l?allocation devise au début des années 1980, la fièvre du voyage s?est emparée des Algériens qui n?ont pas tardé à écumer les quatre coins de la planète. Tels des criquets pèlerins, on les trouvait partout même dans les régions les plus inhospitalières du globe. Le goût de l?évasion bien ancré, il ne se passait pas une année sans s?imaginer ne pas sortir découvrir le monde qui nous entoure. Palma, Paris, Londres, les îles grecques, Istanbul, Casablanca, Tunis et sa fameuse Sidi Boussaïd ainsi que sa Casbah,? le monde s?offrait à nous comme par enchantement. Avec seulement 1 300 F de l?époque, l?Algérien accomplissait des miracles. A son retour, tout le monde avait droit «à l?odeur de l?étranger», comme on disait chez nous. Savonnettes Luxe, Palmolive, du chocolat «made in»,? L?embellie économique aidant, des investisseurs ont commencé à occuper ce terrain vierge. Des agences de voyages et autres tours-opérateurs commençaient à avoir pignon sur rue. Des séjours sont proposés à des tarifs raisonnables et? en dinars. Quelle aubaine ! Les promotions ne se limitaient pas uniquement à la saison estivale. Les fêtes de fin d?année constituaient aussi un autre créneau qu?il fallait promouvoir et occuper impérativement. Car les lois du marché sont impitoyables. Premier arrivé, premier servi. L?Algérien ne pouvait que se réjouir de cette floraison d?agences de voyages et autres marchands d?évasion. C?était le pied. Nous étions tous appelés à devenir les Marco Polo des temps modernes ou par analogie les descendants d?Ibn Batouta. Mais le rêve s?est vite estompé. La récession économique ayant laminé les salaires par le bas, a fait que des pans entiers de ce qui constituait jadis la classe moyenne se sont effondrés. Celle-ci évolue actuellement au plus bas de l?échelle sociale, ou du moins ce qu?il en reste. Voyager de nos jours est synonyme de signes extérieurs de richesse. Un luxe que peu de gens peuvent se permettre. La roue tourne, les moyens manquent cruellement, mais les souvenirs restent intacts. Après tout, l?essentiel ce sont les souvenirs de voyages. Et cela n?a pas de prix.