Résumé de la 1re partie - Après quinze ans de séparation, les deux sœurs – Antonia et Julia – se sont réconciliées, mais pourquoi ? Si elle a accepté de revoir sa sœur, c'est que ce matin de février, un gamin lui a apporté un billet à l'épicerie. A trente-cinq ans de distance, elle a reconnu immédiatement l'écriture : «Je suis très malade. Je voudrais avoir ton pardon avant de mourir.» Et c'était signé «J». Antonia Pietri n'a pas hésité. A midi, elle fermait la boutique et elle prenait la direction de la bergerie. Non, Julia n'avait pas menti. Il n'y avait qu'à voir son corps terriblement amaigri, son visage creusé, ses yeux fiévreux. Antonia, qui gardait le souvenir de la plus ravissante fille du village partant au bras de son mari, a été bouleversée. — Ma pauvre Julia ! Et elles sont tombées dans les bras l'une de l'autre. Depuis, elle revient aussi souvent que possible à la bergerie apporter à sa sœur quelques gâteries, mais surtout sa présence. Antonia est arrivée au bout du sentier devant la barrière de bois brut. D'habitude, Julia est là qui l'attend. Elle appelle : — Julia ! Prise d'une terrible appréhension, elle court vers la ferme. Peut être Julia a-t-elle eu un malaise ? Mais elle n'a pas besoin d'entrer pour savoir. Une forme noire se balance à la branche du gros châtaignier. Elle s'approche en tremblant. Il n'y a hélas rien à faire : la mort a fait son œuvre. Julia, qui lui avait dit la dernière fois qu'elle ne pouvait supporter ses souffrances, a choisi d'y mettre un terme. Antonia se précipite dans la cuisine pour chercher un couteau. Elle revient, coupe la corde, prend le corps de Julia dans ses bras et se dirige vers la maison. Elle n'a pas de mal pour la porter : la malheureuse était tellement amaigrie par la maladie qu'elle est légère comme une plume. Elle entre dans la chambre à coucher, où elle n'était jamais allée. Elle a un pincement au cœur en pensant que ce fut autrefois la chambre de Julia et de Pascal et qu'elle la découvre en portant sa sœur morte dans ses bras. Elle installe Julia sur le grand lit conjugal, après lui avoir noué son fichu autour du cou, afin de dissimuler la trace de la corde. Car c'est cela qui compte à présent : cacher le suicide. En Corse, en effet, le suicide, qu'on appelle parfois la «malemort» est, à l'époque, le déshonneur suprême. Les suicidés n'ont droit qu'au mépris. Leur mémoire est retranchée de la collectivité. Antonia regarde intensément la morte. Elle prononce à voix basse : — Non, Julia, tu ne connaîtras pas la «malemort», je le jure ! Puis elle quitte la maison et se dirige vers le village. Quelques heures plus tard, le Dr Orlanducci est à la bergerie en compagnie du brigadier chef, Dominique Batistini. Debout au pied du lit, le Dr Orlanducci désigne le cou de la morte : — Antonia Pietri m'a fait venir pour le certificat d'inhumer. Elle m'a dit que sa sœur avait un cancer et c'est sûrement vrai. Seulement, ce n'est pas de cela qu'elle est morte. Le docteur pousse un soupir. — J'aime bien Antonia, mais je dois faire mon devoir. Pour mon examen, j'ai enlevé le fichu qu'elle a autour du cou et c'est là que j'ai vu des traces de strangulation. Le brigadier chef Batistini, trente ans, est Corse, mais pas de Piedimonte ni de sa région. C'est dire qu'il n'éprouve pas les mêmes scrupules vis-à-vis des personnes en cause. — Elle a été étranglée avec quoi ? (A suivre...)