Décrépitude - Un soir, «Moul el caro» se sentit mal dans la paille qui lui servait de lit. La dame Kheira lui donna bien quelques cachets d'aspirine, mais le mal persistait. Il avait l'impression que sa poitrine éclatait. Il a commencé à travailler au village à l'âge de 11 ans. Il a fait tous les métiers : portefaix, coursier et même cireur sur la place publique. A 14 ans il perdait ses parents emportés par une méchante maladie qui, à l'époque, ne se soignait pas : la tuberculose. A 18 ans son seul soutien et le dernier membre de sa famille disparaissait à son tour : sa vieille tante Zohra qui l'hébergeait. Pour vivre il acheta à crédit une petite charrette et un cheval. Et comme il n'avait plus de maison familiale où dormir, le propriétaire du haouch où logeait sa tante ayant récupéré ses clefs, il décida de passer ses nuits à l'écurie de la dame Kheira. L'avantage de cette situation, c'est qu'il pouvait surveiller son attelage toute la nuit . Son job consistait à transporter à travers le hameau, tout ce qu'une charrette pouvait transporter : des fûts d'huile pour les commerçants, de la viande des abattoirs pour des bouchers, du ciment, du gravier et même du sable pour les constructeurs de maison. Et à force de le voir trimer du matin au soir sur sa charrette, les habitants ont fini par l'appeler «Moul el caro». Et d'ailleurs personne ne se souvient de son nom de baptême. Un soir, «Moul el caro» se sentit mal dans la paille qui lui servait de lit. La dame Kheira lui donna bien quelques cachets d'aspirine, mais le mal persistait. Il avait l'impression que sa poitrine éclatait. Ce ne sera qu'à 23 h qu'il dormira d'un sommeil profond. Le lendemain, ne voyant pas «Moul el caro» sortir de l'écurie, la dame Kheira s'étonna et alla voir ce qui se passait. Le charretier était toujours là. Elle essaiera de le réveiller, en vain. Il était mort. Des citoyens charitables se cotisèrent pour lui acheter un linceul et l'enterrer dignement comme n'importe quel musulman. Et c'est alors que le plus surprenant se produira : le cheval qui n'avait plus de mors aux dents, suivra son maître jusqu'au cimetière, derrière le cortège funèbre qui n'en revenait pas. Un homme se détacha du cortège pour le chasser...