Enquête L?armée américaine n?est pas à son premier usage de mauvais traitements contre des prisonniers ça et là dans d?autres prisons. Le scandale d'Abou Ghraïb, d'abord présenté par les Etats-Unis comme isolé, a révélé au grand jour les pratiques de tortures et de sévices contre des détenus. De ce fait, il a déclenché une réaction en chaîne d?exactions commises par des militaires américains à l'encontre de prisonniers. Comme une véritable lame de fond, cette affaire déclenchée le 28 avril par la diffusion de photos de mauvais traitements infligés par des militaires américains à des détenus irakiens dans la prison d'Abou Ghraïb, près de Bagdad, est en train de secouer l'administration Bush soumise aux coups de boutoir du Congrès et de l'opinion qui tentent de comprendre. La diffusion d'une première vidéo et de nouvelles photos particulièrement explicites, ainsi que des témoignages sur des tortures, des humiliations sexuelles, des insultes à caractère religieux antimusulman, sont venus alourdir, hier, un dossier déjà pesant pour l'administration Bush. Après trois semaines de révélations distillées par les médias, des militaires commencent, en effet, à reconnaître que d'autres Abou Ghraïb pourraient exister ailleurs, dans des régions gérées par l'armée américaine. A ce stade, cependant, ces mêmes militaires se refusent à admettre l'aspect systématique des traitements sadiques, voire des tortures infligées par des soldats à des détenus. Un cas révélateur est celui de la base navale américaine de Guantanamo, à Cuba. Qualifiée depuis près de deux ans de «zone de non-droit» par de nombreuses associations de protection des libertés individuelles, le traitement réservé aux prisonniers y est couvert par une chape de plomb. Alors qu'elle veillait à ne pas commenter le sujet, en se retranchant derrière la définition de «combattant ennemi» ? qui leur permet de détenir une personne au secret, indéfiniment et sans procès, dans le cadre de la «guerre contre le terrorisme»?, l'armée a commencé cette semaine à admettre que des abus ont pu être commis à Guantanamo. Le chef du commandement central, le général John Abizaid, a ainsi admis, mercredi dernier, devant la commission des forces armées du Sénat, que des enquêtes sur 75 abus étaient en cours, mais que ces pratiques n'étaient pas généralisées. Il a précisé que plusieurs cas d'homicide en Afghanistan faisaient aussi l'objet d'enquêtes. L'armée de terre américaine a annoncé, hier, avoir lancé des enquêtes sur la mort de 37 prisonniers détenus par des Américains en Irak et en Afghanistan depuis août 2002. En Afghanistan, des interrogations ont commencé à apparaître à la suite du scandale d'Abou Ghraïb. Des enquêtes ont déjà été ouvertes autour de deux témoignages de mauvais traitements infligés à des prisonniers, dont l'un provient d'un ancien officier de la police afghane, emprisonné à Gardez (sud-est) et à Kandahar.