Regret - Ismaïl Abrir, écrivain en langue arabe, a été fraîchement récompensé au Soudan du 1er Prix international de l'écrivain Taïb-Salah, pour son roman Recommandation du fou. A cette occasion, Ismaïl Ibrir, déjà habitué aux distinctions arabes, puisqu'il a reçu en 2012 le 1er prix pour son œuvre théâtrale Le narrateur d'histoire, au festival de Sharjah aux Emirats arabes, a été l'hôte d'une rencontre littéraire, organisée, hier, au centre culturel Azzedine-Medjoubi à Alger, par l'association El-Kalima pour l'information et la culture. Il est venu partager son expérience de jeune écrivain en langue arabe. Il a déploré que les auteurs algériens ayant choisi la langue arabe comme voie d'expression, soient méconnus dans les pays du Moyen-Orient. D'abord, concernant le prix attribué au Soudan, le lauréat dira : «Ces prix contribuent à restituer au texte littéraire algérien écrit en arabe la place qu'il mérite dans la littérature arabe.» Venu féliciter le jeune auteur, Amin Zaoui, romancier bilingue et ancien directeur de la Bibliothèque nationale, appuie les dires de ce dernier. «La littérature algérienne en langue arabe est souvent négligée, égarée, pareille à une pièce du puzzle perdu. Quand on parle de la littérature arabe, on évoque le Maroc, la Tunisie et on passe directement aux pays du Moyen-Orient, comme si l'Algérie ne disposait pas de littérature arabe. Il faut reconnaître que les jeunes écrivains, tels qu'Ismaïl Ibrir, grâce à leurs efforts personnels pour remettre la littérature algérienne sur la scène littéraire arabe, ont réussi là ou leurs aînés ont échoué.» Effectivement, contrairement aux écrivains d'expression française, les écrivains en langue arabe peinent à se faire connaître. Très peu médiatisés, lectorat arabophone en Algérie faible, tout cela voue leurs œuvres d'auteurs arabophones à être ignorées et oubliées. Au Moyen-Orient, ils sont confrontés d'emblée à un préjugé bien ancré dans les mœurs, qui considère les Algériens comme des Arabes d'une autre culture. Des Arabes privés de leur langue et de leur culture. Et s'ils s'intéressent à notre littérature, c'est par compassion. A ce propos, Ismaïl Ibrir expliquera : «Les écrivains algériens arabophones souffrent du manque de lectorat et les Arabes du Moyen- Orient ne s'intéressent à nos écrits que par compassion, en voulant exprimer leur solidarité pour notre effort. Pourtant, les écrits, qu'ils soient littéraires ou des études scientifiques faites en arabe au Maghreb, même si elles sont rares, dépassent les écrits des Moyen-Orientaux dans leur qualité intellectuelle.» Amin Zaoui, lui, ira plus loin en développant l'idée. «Les écrivains francophones ont plus de chance de faire connaître leurs écrits, et cela est dû essentiellement au fait qu'ils bénéficient d'un soutien de la part des institutions françaises dotées d'un professionnalisme très avancé en ce qui concerne la médiatisation des auteurs, contrairement au travail des éditeurs des pays arabes dont l'Algérie qui se rapproche plutôt de l'amateurisme que du professionnalisme. L'écrivain arabe n'est pas soutenu dans son pays par des éditeurs arabes qui puissent accompagner sa commercialisation hors de son pays. C'est pour cela que nous trouvons de grands écrivains arabes traduits vers les langues européennes, mais ils ne jouissent guère d'une grande notoriété.» - Malgré la différence d'âge qui sépare les deux auteurs, il semble cependant qu'ils soient confrontés à la même fatalité. Hormis le manque de lectorat et de soutien professionnel, les deux auteurs ont attiré l'attention sur un autre aspect qui, selon eux, menace le développement et l'enrichissement de la culture dans notre pays, à savoir le conflit linguistique qui persiste dans les médias algériens. Amin Zaoui regrettera que la distinction du jeune auteur n'ait pas été reprise par les journaux francophones et pareillement quand il s'agit d'une distinction pour un écrivain francophone, l'information est souvent ignorée par les journaux arabophones. Il dira : «Cette situation m'accable. on croirait vivre dans deux pays différents. Alors que chaque distinction est une récompense pour l'Algérie.» Pour sa part, Ismaïl Ibrir dira : «Il est triste pour nous que nous n'ayons pas réussi à dépasser cette opposition linguistique, pourtant pour notre génération, le conflit francisant et arabisant est bien derrière nous. Personnellement, je ne me sens pas concerné. L'indifférence des médias envers de tels exploits n'était pas la seule à plaindre, puisque même les autorités concernées par la culture ont brillé par leur absence, privant Ismaïl Ibrir de toute reconnaissance culturelle. Le jeune auteur rappellera que la cérémonie d'attribution du prix organisée au Soudan s'est déroulée en présence des représentations diplomatiques des candidats recevant des prix secondaires, à l'exception de la délégation algérienne qui n'a pas jugé utile de faire le déplacement.