Pour toute la classe intellectuelle libanaise, écrivains, universitaires et journalistes, la rentrée d'Amin Maalouf à l'académie française fut une liesse. Le fils du pays du Cèdre, est élu membre de l'institution française la plus prestigieuse, cela est célébré comme fête nationale. Amin Maalouf a remplacé le célèbre anthropologue, ethnologue et philosophe Levis Strauss décédé le 30 octobre 2009. Après Gibran Khalil Gibran (1883-1931), maître du livre Le Prophète, Amin Maalouf est l'écrivain libanais le plus connu dans la littérature universelle. Il est traduit dans une quarantaine de langues. Par son style particulier, il a fourni pour la langue française un nouveau parfum d'Orient. Une autre fraîcheur. Impulsion. Il a su marier l'imaginaire de la poésie arabe à celui de littérature francophone et française. Sans exotisme ni aliénation, Amin Maalouf est le porteur de la beauté orientale vers l'Occident littéraire. L'apôtre positif pour un Occident qui ne cesse de vieillir et de standardiser. Il pense dans l'arabe et écrit en français. Ecrivain contre toutes les frontières. Qui parmi nous n'a pas lu Léon l'Africain ou Les Identités meurtrières d'Amin Maalouf ? Roman après roman, essai après pièce de théâtre, il ne cesse de surprendre son lecteur par la vivacité de son style comme par la diversité de ses sujets. Amin Maalouf est l'écrivain qui a pu redonner au lectorat arabe francophone l'amour et le plaisir du livre et du récit. Conjointement traduits en arabe, les romans d'Amin Maalouf font leur retour à la langue d'origine. Par ce retour du texte, Amin Maalouf a révolutionné la tradition de la lecture romanesque dans le monde arabe et arabophone. Il a bouleversé les valeurs. Il est l'écrivain arabe le plus lu, depuis la publication de Léon l'Africain passant par Le Rocher de Tanios qui a décroché le prix Goncourt en 1993 jusqu'au Le Dérèglement du monde : quand nos civilisations s'épuisent en 2009. Si l'écriture d'Amin Maalouf épuise son parfum dans les quatrains d'Omar Khayyâm et dans la poésie arabe, ses écrits nous renvoient au père fondateur du roman historique qui n'est autre que Georgi Zidane (1886-1914). Si Amin Maalouf a réconcilié le lectorat arabe avec le roman historique, son concitoyen Georgi Zidane fut le créateur de ce genre littéraire dans l'histoire de la prose arabe. Nombreux sont les sujets historiques partagés entre les deux écrivains. À mon sens, Amin Maalouf restera le romancier qui, par la force de sa magie et par son fantastique, a marqué l'écriture du Brésilien Paolo Coelho. Si les intellectuels libanais ont hautement fêté la rentrée de leur concitoyen à l'Académie française, notre écrivaine Assia Djebar, qui en 2005 était élue membre de cette même institution, n'avait reçu de la part des intellectuels algériens que les attaques et les accusations. Les soi-disant “grands écrivains” n'ont pas hésité à lapider l'écrivaine. Elle a été accusée de membre de “Hizb França”. Francophile ! Collabo ! Harki ! Assia Djebar a recueilli tous les feux frères !! Elle fut le premier intellectuel maghrébin et arabe élu dans cette noble institution. Elle fut la première écrivaine maghrébine, arabe et africaine qui a mérité cette consécration scientifique et littéraire. Célébration. Une fierté de l'Algérie et de sa littérature. C'est triste de dire cru et nu : les écrivains algériens sont élevés dans la haine et continuent à la produire. Rongés par la jalousie destructive, ces derniers n'aiment ni les brillants, ni les intelligents, ni les victorieux. Ils se rangent aux côtés des médiocres, des nuls et des idiots. Notre société célèbre celles et ceux qui n'ont aucun génie et bannit celles et ceux qui font la fierté “durable” de ce pays. Une pathologie intellectuelle et culturelle s'installe dans la société des écrivains algériens. Je suis triste. Et je continue de rêver d'un jour meilleur pour la littérature et pour les littérateurs dans mon pays. A. Z. [email protected]