Nostalgie - Méziane regarde de loin le village des Beni Fergane où vit sa bien-aimée et où il ne peut pas aller. Comme son village, celui de Tassaâdit semble tourné vers l'intérieur, chaque maison de pierre n'offre, à la vue de l'étranger qui passe, qu'un mur aveugle percé de petites lucarnes. Les portes sont de l'autre côté, donnant sur l'arrière d'une autre maison afin de préserver l'intimité des familles. De la maison de Tassaâdit, la troisième à partir d'un énorme chêne, plusieurs fois centenaire, s'échappe une fumée blanche qui se perd dans la brume. «Elle doit préparer la galette... comme j'aimerais en manger un morceau cuit de ses mains...» Méziane n'a jamais adressé la parole à celle qui serait déjà devenue son épouse si le différend entre les deux villages n'avait pas éclaté, suivi d'une grande bagarre entre les hommes des deux clans, à laquelle le jeune homme avait dû prendre part pour défendre l'honneur de son village, tout en évitant avec soin de se retrouver face à la famille de Tassaâdit. Fâchés à mort, les habitants des deux communautés restent désormais sur le qui-vive, vigilants à la moindre alerte, comme sur le pied de guerre. — Viens donc goûter la baraka ! lui dit Ouiza, sa mère, avec un grand sourire sur son bon visage aux joues écarlates. Méziane prend place sur un banc, dans la cour pavée de pierres taillées, et Ouiza lui tend un morceau de galette de blé dur et un petit plat de bois contenant l'huile d'olive nouvelle, qu'elle vient de presser dans la meule ancestrale, placée dans la cour. — Goûte un peu ça ! C'est une bonne année, Dieu soit loué ! Elle reste debout devant son fils, le plus jeune, qu'elle semble chérir un peu plus que les deux autres qui sont mariés et vivent toujours dans la maison paternelle. Méziane, sans grand enthousiasme, acquiesce de la tête, la bouche pleine. — Cette année, j'ai laissé les olives dégager «amorej» plus longtemps et regarde le résultat ! Je crois que depuis de longues années, nous n'avons pas fabriqué une huile aussi pure. (A suivre...)