Portrait - Abla Mahrez Kan Maitre, assistante au département de psychologie à l'université d'Alger, spécialiste en psychologie sociale, affirme que «le rire est un comportement émotionnel qui répond à une certaine excitation». «Quand on voit une personne rire, on utilise souvent cette expression : ‘'Elle a le cœur mort'' ou ‘'elle est insouciante''». Mais dans le domaine de la psychologie, il y a des termes cohérents qui définissent ce comportement, «qui peut être un acte issu de l'inconscience individuelle ou l'inconscience collective. Dans les deux cas, c'est un cumul de données de connaissances propre à l'individu lui-même ou à sa société. Ces connaissances sont acquises à travers l'histoire de ses problèmes et les drames qu'il a vécus. Dans tous les cas l'humour est un exutoire et un défoulement des pressions que nous subissons. Cette extériorisation est importante pour l'être humain dans la mesure où elle assure la stabilité et l'équilibre de la psychologie de l'individu, et c'est la quête de tout être humain. Une personne qui n'arrive pas à soulager sa pression, est en proie à un comportement pathologique, qui s'exprime par la violence ou des actes agressifs très dangereux pour la société», explique-t-elle. A la question de savoir si l'Algérien a le sens de l'humour, elle répondra : «Il en a, mais il ne faut pas caractériser cet humour par la nationalité. Il faut parler de la nature humaine, puisque le système psychologique est universel.» Toutefois, Abla Mahrez Kan Maitre reconnaît dans l'humour l'existence de spécificités culturelles, sociales, religieuses, politiques... Il présente quelques particularités d'une aire géographique à l'autre. «Mais le fonctionnement du psychique chez les humains est pareil», dit-elle. Ainsi, l'Algérien, contrairement à l'idée reçue, rit et, de surcroît, a le sens de l'humour, d'où la question : comment peut-on définir l'humour algérien ? «Pour pouvoir répondre à cette question et définir l'humour de l'Algérien, il faut revenir aux conditions de sa vie sociale», dit-elle, et d'abonder : «Son humour répond à certaines données qui déterminent son quotidien. Selon une étude (qui concernait l'effet de la pression sur l'individu), réalisée par notre département de psychologie à l'université d'Alger sur un échantillon d'étudiants à l'université de Tizi Ouzou, nous sommes arrivés à la conclusion suivante : l'Algérien est plus sensible aux pressions sociales qu'il partage avec les autres, plus que les pressions personnelles. Consciemment ou inconsciemment, son comportement est affecté par son entourage extérieur. Cela se traduit par le rire, la tristesse, la mélancolie ou la violence. Mais ce qui fait rire l'Algérien ce sont les conditions de son vécu. Il y a quelques années Fellag faisait rire tout le monde parce qu'il a su exploiter les conditions de notre vie de cette époque et la transmettre dans le langage compréhensible des Algériens. L'essence de l'humour change d'une société à une autre et d'une époque à l'autre.»