Souvenirs Le lieu où El-Hadj M?rizek, El-Anka et bien d?autres maîtres du chaâbi donnaient des «qaâdate» inoubliables au grand plaisir des mélomanes d?un style ancestral, est tombé malheureusement dans l?oubli. Pouvait-on, un jour, penser qu?un lieu aussi célèbre deviendrait inconnu au point de croire parfois qu?il n?a été que le fruit de notre imagination ? Pour s?assurer donc qu?il existe bel et bien, nous sommes allés à sa recherche en demandant aux Algérois de nous indiquer le lieu de cet antre de la musique chaâbie. Ainsi, certains nous envoient vers le quartier Malakoff, aujourd?hui boulevard Abdelkader-Mira à Bab El-Oued, qui n?a aucun lien avec le café en question. D?autres le croient à Belcourt ou à Bouzaréah, quand ce n?est pas à El-Biar. Reste une minorité qui sait quand même que le café Malakoff est situé à La Casbah d?Alger, sans nous indiquer malheureusement l?endroit exact. Il a fallu en appeler aux derniers occupants de La Casbah pour nous indiquer le lieu d?implantation du «temple perdu». Par chance, un vieil homme, absorbé par ses pensées et marchant tel un automate, qu?on a dû extirper de ses songes, nous indiquera le chemin non sans montrer son étonnement. «On cherche aujourd?hui le café Malakoff ?» Sans attendre de réponse, il continuera son chemin pour se fondre dans une foule qui ne se soucie plus de son passé. Enfin et grâce à l?apport de ce vieillard, on a fini par trouver le fameux café. Il est situé à la Basse Casbah à l?ex-rue du Vieux Palais. Au premier regard, rien ne distingue cet établissement des autres cafés maures de la capitale. A l?intérieur, c?est le même brouhaha, celui de vieux et de jeunes jouant aux dominos à longueur de journée. Une particularité cependant, les murs de ces locaux sont couverts de photos noir et blanc sur lesquelles posent des figures qui font partie de la mémoire nationale. El-Hadj El-Anka y tient une place de choix puisque son portrait est placé au centre du mur face à la porte d?entrée. D?autres photos du Cardinal de formes différentes côtoient les portraits de ses élèves : Ezzahi, Guerouabi, H?sissen et bien d?autres encore. Le café, qui appartenait à El-Hadj M?rizek, à l?origine de la légende, est devenu plus tard la propriété de son élève El-Anka. Ce trésor sera jalousement gardé par sa descendance durant des années, jusqu?au jour où le destin en a décidé autrement. Depuis presque dix ans déjà, le café Malakoff a un nouveau propriétaire qui n?a rien à voir avec le milieu de l?art, mais qui reste néanmoins un passionné de chaâbi. Les clients pour la plupart sont des habitués des lieux, puisqu?il est rare que des étrangers viennent s?y hasarder. Loin de l?ambiance de jadis, le café Malakoff est devenu aujourd?hui un simple local à caractère lucratif qui aurait pu être reconverti plusieurs fois comme c?est le cas pour les autres locaux qui le jouxtent. Ce qui l?a sauvé, c?est seulement son nom.