Résumé de la 23e partie - Durant son parcours en auto, le Dr pense à Christiane qui n'a jamais manifesté le désir de le revoir... Quand j'arrivai, les choses étaient déjà très avancées, et, une heure plus tard, l'heureux horticulteur pouvait contempler avec attendrissement son premier héritier un gros garçon de huit livres. C'était déjà mon cent douzième accouchement en six mois. Cent douze accouchements et quatre-vingt-quatorze permis d'inhumer pendant cette période les deux pôles de ma profession... la naissance de la Vie, la venue de la Mort. Quand je rentrai chez moi, il était minuit passé dans sa joie bien naturelle, l'horticulteur avait voulu fêter tout de suite l'événement en me retenant à dîner. Mon père acceptait toujours ces invitations qui associaient le docteur aux joies de la famille. Il affirmait que cela faisait partie de la profession. Parfois, ces agapes tardives, agrémentées d'interminables libations, devenaient de véritables corvées, mais ce soir-là, chez les Servais, tout s'était passé d'une façon intime et charmante. J'étais assez gai en gravissant mon escalier... Une gaieté qui tomba instantanément lorsque j'aperçus le rai de lumière sous la porte de Marcelle Davois... Je l'avais complètement oubliée quand j'étais chez les Servais et même pendant le parcours en auto où je ne pensais qu'au souvenir de Christiane... Le simple rai de lumière sous la porte me ramenait à la réalité... Je m'arrêtai sur le palier, retenant ma respiration : aucun bruit ne parvenait de la chambre... Comme la veille au soir, Marcelle Davois écrivait. Voici la date, dans l'horrible cahier... « Ce 3 novembre. — J'ai l'impression très nette d'avoir marqué des points dès cette première journée. Il ne sait plus trop que penser de moi : il a même essayé, après les consultations, de se montrer aimable en me demandant comment j'occupais mes loisirs à l'Institut du cancer. Mais je me méfie des gens qui s'intéressent à moi : c'est chez eux une manière déformée de sonder mon passé. Il ne saura rien. Je n'ai pas de passé... Ma nouvelle existence a commencé : elle sera moins ennuyeuse que la précédente dans le laboratoire de Villejuif. Ce matin, j'ai senti que tous les clients auxquels nous rendions visite étaient méfiants... Lui m'observait : il a compris que je connaissais mon métier. Ce sera par mon métier seul que je m'imposerai. Ma première impression d'hier soir se confirme : c'est un bon garçon, consciencieux, routinier même... C'est à croire qu'il s'est donné pour ligne de conduite de reprendre toutes les vieilles habitudes de son père qui a dû être le type même du médecin de campagne redoutable et ignare ! J'ai bien fait de dire au fils que j'aurais dû être doctoresse... Si je l'avais été, ce n'aurait pas été dans une petite ville perdue de province que j'aurais exercé, mais à Paris, ou peut-être même dans une grande capitale étrangère ? En Amérique j'aurais fait merveille : c'est un pays où les femmes peuvent réussir. Le seul vrai drame de ma vie est que je n'aie pas eu les moyens de terminer mes études. (A suivre...)