Résumé de la 8e partie - Le docteur dit à son infirmière que Clémentine, sa nounou, donne des consultations à son insu... Elle doit penser que le seul fait d'être servante de médecin lui octroie une certaine autorité ! Elle est surtout compétente en tisanes... Bonjour, Clémentine... Je vous présente Mlle Marcelle Davois...Vous la conduirez dans sa chambre pendant que je m'occuperai des bagages... ...Telle fut notre première conversation. J'étais content d'arriver : la présence de cette femme à ma droite, dans la voiture, m'avait pesé pendant tout le trajet. Je me demandais même, en la regardant gravir le vieil escalier derrière Clémentine, si je parviendrais jamais à m'habituer à elle. Mon ancien maître ne m'avait pas trompé lorsqu'il m'avait affirmé qu'elle serait pour moi une collaboratrice de premier ordre elle était la compétence même, cette femme sans âge dont le passé semblait se limiter à la tombe de sa mère et à la Légion d'honneur de son père... Elle ne s'animait que pour parler «métier» et quel métier ! Celui qui fouille les plaies du cancer. Il semblait qu'elle fût marquée du signe du mal dont le monde a horreur et moi tout le premier... Mais il y avait tout de même d'autres maladies -je ne dirai pas de douces maladies - dont on connaissait le remède, que le médecin pouvait guérir... Saurait-elle se pencher avec indulgence sur ce que j'appelais déjà «mes chers petits malades», mes malades ordinaires, ceux qui contractaient une bronchite banale ou se foulaient une cheville ? Etait-ce un être humain que je venais d'introduire chez moi, sous ce toit familial qui s'était toujours montré si accueillant aux humbles misères physiques de braves gens ? Comprendrait-elle la beauté d'un accouchement dans une simple ferme ? Aimerait-elle entendre les premiers cris d'un nouveau-né ? Pourrait-elle conseiller en souriant au père Heurte-loup de soigner ses rhumatismes en buvant un peu moins de Calvados ? C'était ça ce qui lui manquait : le sourire. On aurait dit qu'elle l'ignorait et cependant... n'était-ce pas la première arme de l'infirmière ? On peut guérir tant de maux avec un sourire, avec une parole d'espoir ! C'est le pont indispensable qui permet d'établir le contact avec le malade craintif ou méfiant. Et je me demandais, contrairement cette fois à ce que m'avait dit le professeur Berthet, si cette deuxième entrevue, que je venais d'avoir avec elle, n'avait pas fait s'agrandir le fossé qui s'était ouvert entre nous depuis le premier jour où je l'avais vue dans le cabinet de mon ancien patron. J'étais dans la bibliothèque quand Clémentine redescendit de la chambre du premier étage où habiterait désormais Marcelle Davois. Ma vieille servante traversa la pièce sans rien dire, ce qui ne lui arrivait que rarement, elle qui était si bavarde... Je sentais qu'elle évitait de rencontrer mon regard. Au moment où elle allait pénétrer dans la salle à manger, je l'appelai : «Eh bien, Clémentine ! Tu es devenue muette ?» – «Je n'ai rien à dire», répondit ma nounou. – «Allons, allons ! Ça te brûle la langue de me donner ton opinion sur l'infirmière... (A suivre...)