Réputation - Les Chaouiyas sont des gens d'une droiture hors du commun. Avec eux, on ne badine pas avec les histoires de nif et de principe. L'histoire qui va suivre a eu lieu à Batna, il y a quelques années. Elle nous donne un aperçu de ce que signifie la maxime populaire «Ennif ou lakhsara». Le vieux Abderrezak note soigneusement sur un petit calepin les conditions des parents de la future épouse de son fils. Il allait se lever lorsque la mère de la fille lève la main pour signifier qu'une dernière et ultime condition a été oubliée. — Euh... ce que je vais demander est très important, commence-t-elle avec une hésitation feinte. — Oui madame ? demande Abderrezak en se saisissant de nouveau de son calepin et de son stylo — Vous savez, les gens s'épient et n'arrêtent pas de colporter toutes sortes de commérages lorsque quelque chose cloche le jour d'un mariage. — Parlez madame, parlez ; c'est votre fille unique et il est normal que vous désiriez la voir se marier comme une princesse des Mille et une nuits. — Oh ! Merci, merci, khouya, je savais que vous me comprendriez. — Je vous écoute madame, fit en souriant Abderrezak, heureux d'avoir réussi à arracher à la future belle-mère de son fils, un sourire. — Eh bien, voilà, je souhaiterais que ma fille soit accompagnée le jour de son mariage par un cortège de quarante voitures. Si Youcef, le père de la fille, en entendant cette ultime condition devint aussi rouge qu'une pivoine. Abderrezak comprit qu'il n'était pas d'accord avec ce que venait de dire sa femme et qu'il avait dû fournir un effort gigantesque pour ne pas la gronder. A la manière dont il s'était mouché nerveusement, il devina aussi qu'après leur départ, la brave petite mère passerait un très mauvais quart d'heure. Il avait vu juste. Après leur départ, Si Youcef se met à crier. — Qu'est ce qui t'a pris femme ? Tu es folle ? Ta fille a la chance de tomber sur un jeune homme formidable qui veut partager sa vie et toi, tu ne cesses de poser des conditions indécentes. J'ai fermé les yeux sur le 4x4 de luxe du cortège, les bijoux et tous ces vêtements brodés d'or que tu as réclamés mais aller jusqu'à imposer le nombre de voitures du cortège, là, vraiment tu exagères. — Les filles de nos voisins sont parties dans des cortèges de trente et trente-cinq voitures ! Et elles ont épousé des gens très simples. Moi, ma fille va épouser un jeune et beau médecin qui est sur le point d'ouvrir un cabinet privé et tu veux qu'elle s'en aille avec une ou deux dizaines de voitures ! Jamais je n'accepterai pareille humiliation ! (A suivre...)