Aberration - A voir tous ces bus délabrés qui circulent encore sur les routes des grandes villes et qui assurent les liaisons entre différentes localités, on ne peut que s'interroger comment ils ont eu l'aval des services de contrôle technique. Pourtant, ce sont des vies humaines qui sont en jeu lorsqu'on sait qu'un grand nombre de citoyens sont contraints de prendre ce moyen de transport. A Alger, par exemple, des bus assurant le transport de voyageurs sont mis en circulation depuis les années 1980. Aucune mesure de sécurité n'est garantie : système de freinage défaillant, des portes qui s'ouvrent et se ferment manuellement, une tôle complètement rouillée ...et la liste des défectuosités est encore longue. Alors que les petits véhicules touristiques ou utilitaires sont interdits de circulation pour la moindre tare, ces bus roulent encore sans aucun souci. «Dès qu'on est à bord, on pressent un risque réel et on prie pour arriver à destination sain et sauf. Lorsque la chaussée est glissante, la peur monte d'un cran. A cela s'ajoute, bien évidemment, l'attitude des chauffeurs qui font tout pour faire le maximum de navettes possibles», déplorent des voyageurs rencontrés aux stations de Tafourah et du 1er-Mai. Sur les lignes menant vers Dergana, Reghaïa, Chevalley, Eucalyptus et Aïn Taya, ces «cercueils ambulants», pour reprendre l'expression d'un sexagénaire, sont très présents. On ne sait par quel miracle, roulent encore ces bus ?, s'interroge-t-on. Une question des plus légitimes que se posent des voyageurs pris entre la hausse des prix et les dangers qui les guettent au quotidien. «La vie des citoyens est-elle aussi banale pour les pouvoirs publics ? Nous sommes, souvent, sous la menace constante de périr dans le moindre accident de circulation», déplorent des voyageurs rencontrés à la station Aïssat-Idir, à la place du 1er-Mai à Alger. Ce qui facilite la tâche aux propriétaires de ces bus vétustes est, sans doute, l'attitude des autres transporteurs qui font part d'une solidarité exemplaire. En effet, ils attendent, souvent, le départ des bus usés pour ouvrir leurs portières. «Vous voyez, nous ne pouvons même pas choisir le bus qui nous convient. Les autres transporteurs sont prêts à rester oisifs et ne pas charger leurs bus pour les laisser faire. Cela leur donne un certain pouvoir et seul le simple citoyen en fait les frais», rouspètent encore nos interlocuteurs. Interrogés sur cette question, des chauffeurs et des receveurs n'ont pas trouvé mieux que d'affirmer qu'ils ne sont que de simples employés et que le renouvellement du parc dépend des propriétaires. «Nous aussi, nous aurions aimé travailler avec des bus neufs et bien entretenus. Mais, la décision est du seul ressort de nos employeurs, qui parviennent à transgresser la loi», soutiennent ces derniers. Y a-t-il alors des lobbies puissants dans ce secteur des transports qui tournent le dos à la réglementation en toute impunité ? Le feu vert des services de contrôle, est-il réellement fondé sur des considérations purement techniques ? Y a-t-il des complicités avec les autorités chargées de l'application des lois en vigueur ?... Une chose est en tout cas certaine : il existe une défaillance préjudiciable dans la mise en œuvre des instructions du ministère de tutelle.