Gaieté - Saïd, un père de famille quinquagénaire, plombier de son état, rentre, cet après-midi-là de septembre 1998, avec un visage rayonnant et tout souriant. Pour quelqu'un qui ne sourit presque jamais, c'est là un exploit qui mérite d'être souligné. Sa femme, dès qu'elle le voit, lui dit : — Toi, aujourd'hui, tu vas nous annoncer une bonne nouvelle ! — Oui...Une très bonne nouvelle même ! De plus, c'est une nouvelle si surprenante et si inattendue que tu ne devineras jamais sa nature, même avec l'aide de toutes tes sœurs, tes cousines et toutes tes voisines... Et il plaisante par-dessus le marché ! Lui qui d'habitude est la personnification même du mutisme et de la mauvaise humeur. — Tu as bénéficié d'une promotion au sein de l'entreprise où tu travailles depuis trente ans ? C'est ça, hein ? — Non, il ne s'agit pas de cela ; c'est encore mieux. — C'est encore mieux ? Tu as reçu un rappel ? Un rappel se comptant par millions ? — Mais non... mais non ; ça n'a rien à voir avec le travail et l'argent. C'est une très bonne nouvelle qui a une relation avec Faïza. — Faïza ? Tu lui as trouvé du travail ? — Du travail ? Ce que tu peux être idiote parfois, femme. Je lui ai trouvé mieux que du travail... je lui ai trouvé un mari ... — Un mari ? Tu plaisantes ? — Non, je ne plaisante pas. Et tu sais qui est son mari ? Enfin... je veux dire celui qui veut devenir son mari ? — Non. — Djamel ! — Djamel ? Quel Djamel ? — Le fils de Si Nadir ! — Si Nadir ? Tu fais allusion à Si Nadir le milliardaire ? Le propriétaire du hammam et de la boulangerie de notre quartier ? — Oui. — Arrête tes plaisanteries, Saïd, ce n'est pas drôle du tout ! — Mais je ne plaisante pas, ya m'ra ! Je te jure que c'est la vérité ! Je suis rentré chez Si Nadir pour acheter du pain et il m'a entraîné dans l'arrière-boutique où il m'a informé de son intention de demander la main de notre fille Faïza pour son fils Djamel. Il est ingénieur, tu sais ? — Et... et... et... il sait que notre fille a trente ans et que son niveau d'instruction ne dépasse pas la 6e ? — Oui, bien sûr. Et il paraît que Djamel, son fils, lui a dit que ce sera elle son épouse et personne d'autre. — Ce n'est pas vrai ! — Ce n'est pas vrai ! Ce n'est pas vrai ! Tu ne sais dire que ça ? — Parce que j'ai du mal à croire ce que j'entends. Le fils de Si Nadir est instruit et très beau ! Notre fille n'est pas instruite et elle... elle n'est pas gâtée par la nature... — Tout cela Si Nadir le sait. D'ici à quelques jours, il viendra chez nous, avec sa femme et son fils pour la demande en mariage. (A suivre...)