Résumé : Yasmina est harcelée par son père qui l'avait surprise en pleine conversation avec une maîtresse d'école. Il promet de la marier au premier venu. Razika tente de la raisonner, mais Yasmina refuse de vivre comme ses aïeules. 45eme partie Yasmina hoche la tête. - Oui… mais cela ne veut pas dire que je vais renier mes origines. Mon but c'est plutôt d'évoluer et de sortir de cette monotonie quotidienne qui semble être notre lot dans cette existence. - Tu vois où te mène toute cette instruction de malheur Yasmina. Des idées bizarres et étranges encombrent ton esprit ! - Non, maman. Mes idées sont saines. L'instruction et le savoir sont les deux facteurs qui mènent vers le succès et l'évolution. - Pas pour les femmes, voyons ! - Mais si, justement, maman. Une femme instruite vaut mille fois mieux qu'un homme inculte. Les femmes que tu vois dans cette revue réclament des droits. Le droit au travail, au vote, à une vie meilleure que celle de leurs mères. - Chut. Ne répète plus jamais ça. Si jamais ton père… - Mon père ? Oui, tu peux parler de mon père. Il est très intelligent pour quelqu'un qui n'a jamais mis les pieds dans une école. Seulement, il a rencontré plus d'un aléa dans sa vie parce que justement, l'instruction lui fait défaut. Razika se tait un moment. Elle n'avait pas de réponse à donner aux arguments de sa fille. C'est vrai que, quelque part, tout comme elle, les femmes de sa génération n'avaient droit ni à l'instruction ni même à la parole. Elles ont vécu sous l'autorité parentale puis maritale, sans pouvoir changer leur quotidien. Même des filles de la nouvelle génération, comme Zahra, n'avaient fait que suivre l'exemple de leurs aïeules. Yasmina veut vivre différemment. Razika comprenait sa fille, mais les mœurs de l'époque n'encourageaient pas les femmes à aller de l'avant. Elle regarde sa fille un moment puis sourit : - Ton père veut te marier Yasmina. Si tu continues sur ta lancée, il te mariera au premier venu. Il en a fait le serment devant Dieu. - Je l'ai entendu. Mais cela ne veut pas dire que je vais me laisser faire, j'ai déjà repoussé bien des demandes en mariage. - Mais tu n'y penses pas ! C'est ton père et il a tous les droits sur toi. - Oui, .ça je le sais. Tu n'as pas cessé de nous le répéter à Zahra et à moi durant toute notre enfance. - C'est la réalité. Ton père est ton protecteur et ses droits sur toi n'ont pas de limites. - Je sais, maman… Je sais. Elle s'étire et sourit. - J'aimerais que tu me racontes encore une fois l'histoire de ton mariage avec mon père. Razika sourit. - Je te l'ai racontée des dizaines de fois Yasmina. - Je sais. Mais cela fait tellement bizarre cette histoire d'amour entre vous à une époque où rien ne bouge. - Rien ne bouge. - Oui, je parle des mœurs. Après tout tu dois toi-même une fière chandelle à ton père qui t'a permis de rencontrer ton futur mari. - Oui tu peux le dire. - Alors comment vas-tu permettre à mon père de me marier sans mon consentement ? Razika comprit enfin où voulait en venir sa fille. Elle rit franchement et reconnaît que Yasmina n'était pas comme les autres filles de sa génération. - Tu es quelqu'un de très intelligent ma fille. J'aimerais tant te voir heureuse. Qui sait. Peut-être auras-tu le privilège d'épouser un homme qui s'adaptera à tes folles idées. Quelques mois passent. Yasmina ne va plus à l'école, mais de temps à autre se rend chez une proche voisine qui recevait régulièrement du courrier de son fils et de son neveu qui vivaient à Marseille. Un jour, Yasmina apprendra à sa voisine la prochaine venue de ces derniers. Zouhir et Mouhoub viendront passer quelques jours au bled et officialiser la demande en mariage de Fadhéla, la jeune sœur de Zouhir, qui était promise à un émigré qui vivait dans la ville phocéenne. Malika, la voisine, est aux anges. Elle embrasse chaleureusement Yasmina et lui dit : - Chaque fois que tu viens lire mon courrier, tu m'annonces une bonne nouvelle. Tu me portes bonheur Yasmina. Ton visage est serein et ton cœur est généreux. Que Dieu exauce tous tes souhaits. Yasmina est heureuse pour sa voisine. Elle rentre même annoncer la bonne nouvelle à sa mère. Un soir, en se penchant par la fenêtre de sa chambre qui donnait directement sur la ruelle principale, elle aperçoit deux hommes de haute taille, bien habillés et portant de grandes valises. Elle comprit aussitôt que ce sont le fils et le neveu de Malika qui venaient d'arriver de France. Y. H. (À suivre)