Agnès S. a des malheurs. À près de quarante ans, elle se retrouve sans mari, avec une fille d'une dizaine d'années à élever. Et pas beaucoup d'argent. Mais Agnès, une brune aux traits fins, ne manque pas de courage. Elle décroche bientôt un emploi de caissière dans un petit supermarché. Le travail est un peu monotone, elle rentre le soir assez fatiguée, mais, en compensation, elle voit du monde, les clients sont parfois aimables, c'est l'occasion d'échanger quelques paroles sans conséquence sur la pluie et le beau temps. Et puis, qui sait si parmi tous ces clients il ne s'en trouvera pas un, solitaire et disponible, avec lequel elle pourra refaire sa vie... C'est le souhait qu'elle formule de temps en temps, accompagné d'une petite prière à la Sainte Vierge. Depuis quelques semaines, Agnès remarque qu'un garçon sportif, blond, un peu empâté, lorsqu'il fait ses emplettes, semble venir plutôt vers sa caisse pour en régler le montant. Il est du genre costaud, au moins une bonne centaine de kilos sur la balance, il y a une certaine ironie dans ses yeux, la bouche est souriante bien que les lèvres soient assez minces. Pas mal en définitive. À vue de nez il doit friser la quarantaine, il a donc pratiquement l'âge d'Agnès. Les conversations anodines à la caisse font bientôt place à une invitation à danser un samedi soir. Suit une invitation à dîner qu'Agnès rendra chez elle, l'occasion de présenter à Maxime, puisque tel est le prénom du «client», sa fille, la jolie petite Evelyne. La soirée est sympathique. D'autres suivront, qui se prolongeront même jusqu'au petit matin. Agnès s'en va mettre un cierge pour remercier la Sainte Vierge de lui avoir apporté un compagnon bien sous tous rapports. Maxime est électricien, un bon métier qui ne risque pas de connaître le chômage. On commence à faire des projets de vie commune. Et bientôt, Agnès décide de franchir le pas. Devant les demandes pressantes de Maxime, elle abandonne son domicile et vient avec la petite Evelyne s'installer chez l'athlétique électricien. Au début, tout semble idyllique. Agnès et Evelyne se réjouissent d'avoir retrouvé la chaleur d'un foyer équilibré. Maxime est un bon ouvrier, il ne manque pas d'ouvrage. Tous les trois habitent dorénavant chez lui, un petit pavillon de pierre blanche flanqué d'un garage. Maxime est un passionné de vidéo : il dévore toutes les revues qui se font l'écho des dernières nouveautés en matière de caméscope, de branchements, de montage. Mais jamais Agnès ni Evelyne ne verront les films de vacances qu'il aurait pu faire d'elles. Au fil des jours, Agnès commence à se demander si elle a fait vraiment le bon choix en changeant de domicile et d'existence. Il lui semble que son compagnon s'intéresse d'une manière un peu trop pressante à Evelyne qui, à cette époque, vient juste d'avoir ses douze ans. De plus Maxime, qui n'a pas été trop bavard en ce qui concerne son enfance et ses parents, semble traîner un lourd contentieux psychologique derrière lui. Il est d'une jalousie que le moindre observateur qualifierait sans hésitation de «maladive». Pour un oui, pour un non, il accuse Agnès de regarder les autres hommes. Son métier de caissière est un bon prétexte pour trouver qu'elle a le sourire trop «commercial» avec les clients masculins. Il s'ensuit des scènes qui laissent Agnès décontenancée. Devant un jaloux, il n'est pas d'argument qui tienne. Toutes les dénégations semblent des preuves supplémentaires de culpabilité. Même la pauvre Evelyne, blonde gamine encore innocente, doit essuyer les reproches véhéments de son «beau-père». ( a suivre...)