C'est un beau soir d'été dans les années 30, la campagne tout autour du pavillon respire le calme. A peine si l'on entend le cri d'une hulotte dans le bois voisin. La journée a été très normale pour la famille Webster. Il est temps de se coucher. Après s'être souhaité une bonne nuit ! — Bonne nuit Mamie ! Mamie a 82 ans et depuis des années elle ne se sent bien que dans son lit. Mais toute la famille la dorlote : Mark Webster son fils, Evelyn Webster sa belle-fille. Sans oublier les enfants Rose et Daryl, 8 et 12 ans. Et même le chat qui n'oublie jamais de venir frotter ses moustaches contre la joue de Mamie... Le chat c'est Ronnie, un sacré lascar, «un gouttière» pure race, malin comme un singe, qui miaule avec une voix de fausset : — Ça suffit Ronnie, tu t'en vas. Tu fatigues Mamie ! Si on laissait faire Ronnie, il aurait tôt fait de se coucher sur l'oreiller de Mamie, au risque de l'étouffer. Il adore la vieille dame. Alors, Ronnie quitte la chambre. De toutes manières, on sait où l'on va le retrouver : dans le lit de la petite Rose, ce qui est interdit, ou dans celui de Daryl, ce qui est défendu. Alors, on le pose dans son panier mais il a vite fait d'aller se fourrer au pied du lit d'Evelyn... A quoi bon lutter, un chat est toujours le vrai maître de la maison... En bas, dans le salon, la pendule Westminster égrène les heures, même les demi-heures, sans oublier les quarts d'heure. Mais la famille Webster est habituée. Si l'on supprimait la pendule, personne ne dormirait normalement. Vers deux heures du matin, un crissement se produit au niveau de la fenêtre du salon. Mais personne n'y prête attention. Les Webster dorment du sommeil du juste et c'est pourquoi ils n'entendent rien quand le volet est forcé par une pince-monseigneur. Rien non plus quand quelqu'un pénètre dans la Maison. — Mark ! Réveille-toi ! C'est ta mère ! Mark émerge d'un sommeil profond ; — Encore ! Il écoute et il lui semble effectueusement qu'une sorte de gémissement parvient du rez-de-chaussée, où se trouve la chambre de Mamie. — Tu entends, Mark? Va voir. Mark aime bien sa mère mais il connaît son petit défaut : la vieille dame a la fâcheuse habitude de rêver. Comme tout le monde !Or, elle, quand elle rêve, elle parle à haute voix, pousse des cris. Depuis longtemps, Mark sait qu'il ne s'agit que de cauchemars ridicules. Si Mamie a besoin d'aide, ses appels sont très précis, elle crie : «Mark! Mark !» Elle n'appelle que son fils. Jamais sa belle-fille. Si Mamie se met à hurler : «Au secours ! A l'assassin !» on sait que ce n'est pas bien grave. La dernière fois que Mark est descendu, affolé, il a trouvé sa mère tout étonnée : «Ah, c'est toi ! Ouh ! J'étais en train de faire un de ces cauchemars ! Figure-toi qu'un homme essayait de m'étrangler pour me voler ma part de gâteau aux pêches !» Et Mark est remonté se coucher. C'est pourquoi, ce soir, en entendant les gémissements de sa mère il ne s'inquiète pas trop : — Cette fois, ce sera un individu qui essayait de l'embrasser dans le cou ! Evelyn proteste : — Chéri, si c'est ça, laisse-moi dormir. Tu sais, je fais partie de la première équipe au standard. Il ne me reste que deux heures de sommeil. Bonne nuit ! Evelyn essaie en vain de trouver le sommeil. Quelque chose lui dit qu'elle devrait se lever, qu'elle devrait aller voir si tout se passe bien chez les enfants, mais elle se sent si fatiguée... Soudain la porte de la chambre de Mark et d'Evelyn s'ouvre brutalement. Trois hommes, le visage recouvert d'une sorte de bas de nylon, font irruption dans la chambre. Ronnie le gros chat saute discrètement du lit et file hors de la pièce sans que personne le remarque. Avant que Mark ait eu le temps de se lever deux hommes se ruent sur lui : — Pas un geste ou tu es mort ! (à suivre...)