InfoSoir : Que pensez-vous de l?autonomie des musées algériens acquise en 1985 ? Dalila Mahammed Orfali : C?est l?avancée la plus importante dans l?histoire de nos musées (1985), une avancée incommensurable. Elle a permis à nos musées de sortir du sous-développement, d?une gestion archaïque, de l?incapacité totale où nous nous trouvions d?acheter un stylo, une lampe, une bouteille de Javel. Et il est clair qu?aujourd?hui les musées ne sont plus ce qu?ils étaient avant 1985. Et depuis leur autonomie, s?en sortent-ils ? Les musées s?en sortent dans certains domaines, comme ceux de la logistique, du recrutement, et je peux considérer qu?il y a beaucoup de choses positives qui ont été faites, mais il y a tout de même des domaines où l?on ne peut encore s?en sortir faute de moyens, concernant le Musée des Beaux-Arts. Le domaine où nous n?arriverons pas à nous en sortir tout seul, c?est celui de la restauration. Comment cela ? Nous possédons des collections très fragiles, qui souffrent des conditions et variations climatiques, nous avons des collections qui ne sont pas inorganiques, toutes sont organiques, donc elles souffrent comme nous et ont des maladies comme nous. Jusqu?à présent, nous avons un laboratoire de restauration des ?uvres, des peintures à l?huile, pas pour le papier, donc nous ne pouvons le restaurer en Algérie. L?année dernière, nous avions eu de la chance avec l?Année de l?Algérie en France, où des ?uvres ont été restaurées au musée du Louvre, et ça c?est toujours un acquis. Si on devait faire un programme réel de travail à long terme, le programme devra être axé sur la restauration. Un travail se fait-il en ce sens ? Nous sommes en train d?effectuer un travail, consistant à faire des fiches de constat, prendre l??uvre et voir ce qu?elle a ; après nous ferons des études de pourcentage, c?est-à-dire les ?uvres qu?on peut sauver, ici avec nos moyens au quotidien, et nous allons faire des dossiers pour les ?uvres que nous ne pouvons pas toucher, soit parce qu?elles sont importantes du point de vue de la valeur artistique, et pour lesquelles nous n?avons pas de moyens, c?est-à-dire pas de restaurateurs qualifiés. Ces ?uvres nous posent un énorme problème, et il faut d?abord adresser à la ministre un rapport dans ce sens, concernant les conditions et les nécessités de restauration. Ensuite, établir un programme en collaboration avec le ministère de la Culture pour la restauration des ?uvres d?art, parce que c?est là le problème crucial que nous rencontrons actuellement. Y a-t-il une prise de conscience des autorités concernées ? Ce serait faux de dire qu?il n?y a pas une prise de conscience. Tout le monde est conscient que le patrimoine national a besoin d?être restauré, et nous l?avons vu dernièrement dans la prise en charge des demeures ottomanes. Il y a des changements, mais tous les problèmes sont difficiles à résoudre, même pour le ministère de la culture qui ne dispose que de 3% du budget de l?Etat. Il nous faut des politiques de partenariat, un équipement très sophistiqué, très spécialisé? Si vous voulez, ce n?est pas seulement au niveau de la prise de conscience, mais il y a tout ce qu?il y a derrière qu?il faut mettre en avant. Dernièrement, le président de la République a promis la réalisation d?un musée d?art contemporain. L?existence d?un musée d?art contemporain est, pour moi, essentielle, nos artistes n?ont pas de chance, sachant qu?ils sont déjà mal organisés eux-mêmes. En outre, ils n?ont aucun endroit où s?exprimer, en dehors des galeries. Je pense qu?il faut faire un travail en direction des artistes, en mettant à leur disposition un centre d?art vivant, un espace où ils pourront s?exprimer. Quelle différence y a-t-il entre un musée d?art contemporain et un centre d?art vivant ? Un musée suppose collectionner et conserver des biens culturels. Or, un centre d?art vivant a pour objectif de faire vivre l?art dans ses différents aspects. L?art contemporain n?est plus une collection que l?on accroche, il acquiert maintenant une multitude d?aspects, c?est de l?art éphémère, c?est l?art des installations. Et je pense que si l?on devait envisager un musée d?art contemporain, moi, je le verrai plutôt comme un centre d?art vivant, un centre qui accueille toute la production en art vivant, beaucoup plus qu?un musée d?art contemporain. Puisque ce centre (espace contemporain) répond aux problèmes des artistes, il faut qu?il ait des ateliers, des coopératives pour vendre les ?uvres. Il faut une organisation en ce sens pour promouvoir l?art contemporain. Quels sont les projets du musée des Beaux-Arts ? Finaliser la collection algérienne dans tous ses aspects. C?est-à-dire l?aspect inventaire, restauration, rangement dans la réserve, archives concernant tous les artistes algériens et photothèque. Nous avons l?intention de prendre deux fonds, celui des Algériens et des Abdeltif, et régler l?ensemble des problèmes périphériques à ces fonds. Pour pouvoir faire, au bout du chemin, deux publications de qualité. (*) Dalila Mahammed Orfali, conservatrice et directrice du musée.