Fait unique dans les annales : l'armée demande au peuple de manifester, ce vendredi, afin de lui donner un blanc-seing pour officiellement «combattre le terrorisme et la violence». Le général Abdel Fattah al-Sissi veut ainsi, selon lui, en finir avec la situation de chaos qui menace le pays. Le chef de l'armée égyptienne, le général Abdel Fattah al-Sissi, a appelé ce mercredi la population à manifester pour lui «donner mandat» de mettre fin à «la violence et le terrorisme». «J'appelle tous les Egyptiens honnêtes à descendre dans la rue vendredi pour me donner mandat pour en finir avec la violence et le terrorisme», a déclaré le général Sissi lors d'une cérémonie militaire, alors que les Frères musulmans partisans du président Mohamed Morsi destitué par l'armée continuent de mobiliser pour réclamer son retour. Il a appelé «les Egyptiens à descendre dans la rue pour montrer au monde leur volonté comme avant le 30 juin» lors des manifestations de masse pour exiger le départ de M. Morsi, déposé le 3 juillet. «Je vois que certains veulent entraîner le pays dans un tunnel sombre», a-t-il dit dans ce discours retransmis à la télévision, en allusion aux troubles politiques souvent meurtriers qui secouent le pays depuis près d'un mois. Le général Sissi a affirmé que des conseillers de M. Morsi avaient tenté de le dissuader de le déposer en «disant qu'il y aurait beaucoup de violence à cause des groupes armés». Il a réaffirmé que l'armée n'avait fait qu'accomplir la volonté du peuple en destituant M. Morsi, dont il n'a pas prononcé le nom, le désignant uniquement comme «l'ancien président»«L'Egypte ne sera pas une deuxième Syrie et quiconque pousse dans cette voie est un traître», a affirmé, pour sa part, un porte-parole du président par intérim, Adly Mansour, Ahmed al-Maslamani, dans une déclaration publiée par l'agence officielle MENA. Cet appel de l'armée et cette mise en garde de la présidence intervinent après la nouvelle vague de violence qui a ébranlé l'Egypte et qui a fait plus de 13 morts en vingt quatre heures. En effet, un policier a été tué dans la nuit de mardi à mercredi et 28 autres personnes blessées par un engin explosif dans le gouvernorat de Dahqaliyah, dans le delta du Nil (nord de l'Egypte). «Il y a un mort et 28 blessés» dans cette explosion survenue devant le commissariat central de Mansoura, chef-lieu de ce gouvernorat, a indiqué un responsable des services d'urgence du ministère de la Santé. Suite à cet attentat terroriste le camp des partisans de M. Morsi a publié un communiqué pour «condamner l'attentat criminel» de Mansoura. «L'Alliance contre le coup d'Etat», qui appelle au retour de l'ancien chef d'Etat, y «réaffirme son adhésion à des manifestations pacifiques» et «dénonce les actes de violence». La ville de Mansoura est l'un des principaux foyers de tension du pays. Dans la journée d'hier, mardi, une nouvelle flambée de violences entre partisans et adversaires du président destitué, Mohamed Morsi, qui a fait 13 morts, alors que les autorités transitoires prévenant qu'elles ne laisseraient pas le pays basculer dans la guerre civile. Neuf personnes ont été tuées hier, mardi, au matin, près de l'Université du Caire, selon un bilan révisé à la hausse en soirée par le chef adjoint des services d'urgence au ministère de la Santé, dans les médias. Deux d'entre elles au moins ont été tuées par un homme qui a ouvert le feu sur des militants pro-Morsi. Dans l'après-midi, de nouveaux heurts ont éclaté brièvement dans le même secteur, où une quinzaine de véhicules ont été brûlés. Sur le plan politique, l'impasse semblait toujours totale : les Frères musulmans, le mouvement de M. Morsi, comptant sur la mobilisation de rue pour faire plier le nouveau pouvoir, alors que ce dernier continuait imperturbablement la mise en place d'institutions transitoires. Les abords de l'Université, proches du centre-ville, sont, avec ceux de la mosquée Rabaa al-Adawiya dans le nord-est du Caire, l'un des deux sites occupés en permanence par les islamistes depuis près de trois semaines. Plus de 150 personnes ont péri dans des heurts liés aux troubles politiques depuis les manifestations massives réclamant le départ de M. Morsi fin juin. Au moins une quarantaine d'autres ont été tuées durant cette période dans la région instable du Sinaï.