Stratégie En septembre 1999, l?administration Clinton et le président colombien Andrés Pastrana s?engageaient à mettre conjointement en ?uvre un «Plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l?Etat», dit Plan Colombie. Conçu et rédigé en anglais, sous l??il attentif des conseillers du Département d?Etat américain, mais sans consultation du Congrès colombien, ce plan prévoyait une aide extérieure de 7,5 milliards de dollars à Bogota, dont 1,3 milliard d?aide américaine, essentiellement militaire. Il s?agit, tant d?après Washington que Bogota, de mener une guerre totale au narcotrafic. Premier producteur latino-américain de coca (cultivée par des paysans qui n?ont d?autre choix que les cultures illicites ou la misère), la Colombie est aussi le premier exportateur de cocaïne à destination des Etats-Unis. Pour le Pentagone, la principale menace qui pèse sur l?hémisphère n?est plus Cuba, mais la possibilité que surgisse un «narco-Etat colombien» dans les zones contrôlées par la guérilla, rebaptisée, pour les besoins de la cause ? et en niant la nature sociale et politique du conflit ?, «narcoguérilla». A vrai dire, pour Washington, il s?agit avant tout de conserver le contrôle de cette région vitale, riche en ressources stratégiques et en mégaprojets économiques. Cette politique américaine d?ingérence dans les affaires intérieures d?un Etat latino-américain n?est pas nouvelle. Du Chili de Salvador Allende au Guatemala indigène, du Brésil de la dictature militaire au Nicaragua sandiniste, Washington a toujours été présent chaque fois qu?il s?est agi de lutter contre les oppositions à un modèle prédateur et injuste, que ces oppositions soient civiles ou politiques, armées ou non. Cette politique, jamais démentie, a permis à l?empire américain, aidé ultérieurement par ses fidèles alliés ? la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ?, d?ouvrir les économies latino-américaines, de les pousser à mener des politiques résolument libérales pour le plus grand profit des multinationales et le plus grand malheur des populations. Sous l?égide du «consensus de Washington» et sous le couvert de «démocratie», les inégalités se sont aggravées et la pauvreté progresse chaque jour un peu plus.