Ces armes chimiques que la France invoque aujourd'hui comme une raison pour frapper Damas, elle les avait bel et bien utilisées contre le peuple algérien. Elle n'avait pas hésité non plus à se servir du napalm contre des civils. Un ancien sergent de l'Armée française témoigne. Henri Pouillot, a parlé hier mercredi de l'expérimentation par la France du gaz sarin lors de la guerre de Libération nationale, jugeant que son pays est «mal placé» aujourd'hui pour «donner des leçons» à d'autres pays qui en auraient fait l'usage. Le président du collectif «Sortir du colonialisme» s'appuie sur le témoignage rendu public d'un ancien sergent de l'armée française, Auguste Cuzin, affecté en Algérie à la fin des années cinquante, selon lequel il avait réalisé avec ses compagnons d'armes et sur ordre de sa hiérarchie, des «tirs d'expérimentation de tirs d'obus chargés de gaz sarin». «J'étais chef de pièce dans l'artillerie, de février 1958 à avril 1960, en Algérie. Durant le deuxième semestre de l'année 1959, j'ai été appelé à la base secrète de Beni-Ounif. Chaque matin, les officiers nous donnaient l'ordre de tirer à 6 ou 8 kilomètres, au canon, durant deux heures. Nous avons expérimenté le gaz sarin», détaille l'ancien soldat, actuellement en retraite dans l'Isère au Sud-ouest de la France. Interrogé sur la cible de ces tirs, il a affirmé que c'était des caisses, disposées dans le désert, dans lesquelles étaient emprisonnés des animaux. «Chaque obus contenait un demi-litre de gaz, qui se répandait dès l'impact au sol. Nous allions dans le désert 48 heures plus tard, équipés de masques à gaz, pour aider les techniciens à ramasser les animaux morts, qu'ils emmenaient au laboratoire pour des analyses», se rappelle-t-il, niant avoir eu connaissance de «tirs sur l'homme». Pouillot déduit que comme pour les essais nucléaires de Reggane au Sud du pays, la France a «testé ces armes horribles, sans s'inquiéter des victimes civiles qui ont pu être touchées simplement parce qu'elles se sont trouvées au mauvais moment, au mauvais endroit». «Après l'utilisation de cet agent orange (la dioxine) au Vietnam, le napalm pour détruire entre 600 et 800 villages algériens, la France est vraiment mal placée pour donner des leçons sur les armes interdites par d'autres pays», a-t-il indiqué. Lui-même témoin de la torture à la Villa Susini où il avait été affecté de juin 1961 à mars 1962 pour effectuer son service militaire, le militant anticolonialiste se demande si la France peut-elle donner des «leçons de morale» dans le conflit syrien, en appelant le gouvernement de Damas à renoncer à son arsenal chimique. Il a confié être revenu en novembre 2004 en Algérie où il avait visité, à Khenchela les ruines d'un des 800 villages anéantis au napalm par l'armée coloniale. «J'ai visité les ruines de l'un de ces villages de 800 habitants, tous brûlés vifs, comme à Oradour-sur-Glane, pas dans une église, mais dans leur mechta ! On trouve encore aujourd'hui des éclats de ces bombes sur le sol», a-t-il témoigné. Le gaz sarin fait, depuis des semaines, l'actualité internationale, après une attaque à cette arme chimique redoutable contre la population civile en août dernier en Syrie. A.B.