Résumé de la 2e partie n Pour exterminer sa famille, Jean a mis au point un plan très simple. Soudain, Jean ne peut pas aller au bout de son geste, il bafouille une explication : «Papa a dit qu'il y avait des voleurs dans la maison, je croyais qu'il y en avait un dans ta chambre...» Et il se sauve dans sa propre chambre. Il semble qu'à ce moment-là le voile sanglant qui l'aveugle, cette furie de tuer aient disparu, se soient éteints aussi brutalement qu'ils avaient commencé. Il prend le temps de se débarrasser de ses vêtements car il est couvert de sang, cache le poignard, casse une vitre pour faire croire à un cambriolage, et file dans la rue. Mais son plan a raté, il lui faut vite inventer autre chose, car la police arrive, il entend les sirènes des voitures. Des voisins ont donné l'alerte, grâce à Anne qui a eu le temps de leur dire avant de s'évanouir : «C'est mon frère, il a un couteau, il me croit morte.» Jean l'ignore, à cet instant précis, et il affronte la police avec aplomb, en short, torse nu, dans la rue, en débitant son histoire : «Des voleurs masqués sont entrés dans la maison...» Peine perdue, Anne n'est pas morte, les voisins savent, la grand-mère agonise et va mourir pendant son transfert à l'hôpital. La veine jugulaire tranchée, elle a perdu trop de sang. Du sang, il y en a partout. Dans la chambre du père, car il semble que l'assassin ait commencé par le père, que la grand-mère soit sortie de son lit en entendant les cris, et qu'il se soit ensuite attaqué à elle ; puis à nouveau à son père, puis à sa sœur, pris d'une folie meurtrière incompréhensible pour sa famille. Folie. Voilà le grand mot lâché, et l'on a tendance à y croire car, sinon, comment expliquer un pareil carnage ? C'est Anne qui a répété sobrement en avril 1993, devant les assises, le déroulement du massacre. Elle a survécu, Paul aussi, mais ils n'ont plus de père ni de grand-mère paternelle. Ils n'avaient déjà plus de mère depuis 1985. Maman s'était suicidée à trente-quatre ans. Après avoir entendu la déposition du médecin légiste qui a procédé à l'autopsie des corps, relevé vingt-sept coups de poignard sur le père, vingt sur la grand-mère et sept sur la jeune fille blessée, le président demande à Jean s'il reconnaît les faits. «Oui, mais je ne voulais pas tuer ma sœur et mon frère. Je suis atterré de ce que j'ai fait, je ne sais pas pourquoi j'ai fait tout ça. Depuis trois ans j'essaie de comprendre en prison, mais tout se mélange, c'est comme dans un brouillard. Folie. Mais préméditation puisqu'il a reconnu lui-même qu'il pensait à supprimer son père et sa grand-mère depuis un mois et demi au moins. Et folie surajoutée puisqu'il s'en est pris à sa sœur, dans «le feu de l'action», alors qu'il n'en avait pas l'intention. Seul le plus jeune, qui n'a pas eu peur puisqu'il ne savait pas, a échappé à la bête fauve qu'était devenu l'aîné. Folie. Mais lucidité puisque Jean a pensé à emprunter un poignard, pensé à acheter son billet de train la veille, prévu le vasistas ouvert et de quoi grimper sans être vu. Folie n'est d'ailleurs pas le mot utilisé par le psychiatre. «Il s'agit d'une personnalité névrotique. Ce garçon souffre d'un trouble de l'affectivité mal maîtrisé, mais les symptômes ne sont pas très apparents. Il n'existe par ailleurs aucun trouble mental pathologique ; ce crime est une énigme, dont il faut chercher l'origine dans l'histoire familiale du sujet.» A suivre Pierre Bellemare